
C’était en 1984. Premier président socialiste de la Ve République, François Mitterrand, conformément à la proposition 90 de son programme, et pour la plus grande satisfaction des extrêmistes de la laïcité, avait demandé au gouvernement de Pierre Mauroy de présenter devant l’Assemblée nationale une loi organisant un « grand service public unifié de l’Éducation nationale ». Autrement dit, la mort de l’enseignement privé. Ni l’ancien élève des Jésuites d’Angoulême ni personne n’avait prévu l’ampleur et la vigueur de la réaction populaire. Le 24 juin, plus d’un million de manifestants déferlaient sur Paris pour clamer leur opposition à ce projet liberticide. Dans les 24 heures, le chef de l’État en annonçait le retrait. Quoi que l’on en pense d’autre part, François Mitterrand était à l’écoute et au diapason des Français. Il savait que même une victoire électorale ne donne pas tous les droits au vainqueur, et certainement pas celui d’imposer à une majorité des dispositions qui révoltent les consciences. Faiblesse ? Non. Sagesse. Il en est résulté vingt-huit ans de paix scolaire.
François Hollande, conformément à ses engagements de campagne et sous la pression d’une minorité activiste, demande aujourd’hui au gouvernement de Jean-Marc Ayrault de présenter devant l’Assemblée nationale le projet du mariage homosexuel, assorti dans un premier temps de l’adoption, et agrémenté d’ici à l’automne de la procréation médicale assistée. Anticipant les réactions à une initiative récusée par une majorité de Français, le président de la République a cru devoir affirmer qu’il ne cèderait pas à la rue.
« La rue », c’est le nom que le pouvoir donne au peuple quand le peuple ne donne pas satisfaction au gouvernement. Mais reste-t-il au peuple une autre voie que la rue quand on lui interdit de se prononcer dans les urnes ? Ce n’est pas la droite qui manifestera demain dans les rues de Paris, ce n’est pas davantage la gauche, c’est le peuple français, joyeux, pacifique et résolu, qui exigera le retrait d’un projet dont le principe bouleverse l’institution millénaire de la famille et dont les annexes heurtent le bon sens et la nature.
Aussitôt élu, François Hollande déclarait qu’il serait le président de tous les Français. Un tel engagement oblige. On n’attend pas du chef de l’État qu’il cherche les occasions de diviser la nation et joue une France contre l’autre. Ce que les manifestants refusent aujourd’hui, c’est le mariage pour quelques-uns, ce qu’ils demandent, ce que nous demandons, c’est la République pour tous !
12 janvier 2013