
Le 31 octobre dernier, cinq jeunes Bordelais sérieusement alcoolisés « empruntaient » un lama au cirque local le temps d’une virée en tramway. L’affaire a tourné au triomphe, les entreprises locales, jusqu’au comité départemental du tourisme du Gers, ayant récupéré l’animal pour se faire de la pub. Le propriétaire du cirque a même déposé la marque « Serge le lama » auprès de l’INPI et fait désormais tourner la bête comme les vedettes font des ménages. Star d’Internet le temps d’une sortie nocturne, Serge le lama est en route pour les Oscars.
Peut-être est-ce cette pauvre bête qui a donné aux carabins niçois l’idée de leur propre virée. En djellabas et keffiehs, armés jusqu’aux dents de fusils M16 et d’armes de poing (magnifiques répliques en métal), ils sont quatre à avoir semé la panique au service des urgences de l’hôpital Saint-Roch, mobilisant forces de police et pompiers tandis que le quartier était bouclé afin de circonscrire les terroristes.
Ces islamistes en carton-pâte étant tous en dernière année de fac dentaire, on invoque la « blague de carabins ». Comme les chansons du même nom, les blagues de carabins n’ont jamais été de très bon goût, genre « caca-bite-couille » voire pièces et morceaux prélevés en salle d’autopsie avant de finir dans le panier de la ménagère. Estampillées vulgaires, bêtes et méchantes, mais à ce degré de stupidité et d’inconséquence, c’est encore du jamais vu.
Interrogé ce matin sur France Info à propos du « retour de la France raciste », Michel Wieviorka avançait cette hypothèse : la France n’est pas plus raciste aujourd’hui qu’elle ne l’était hier, disait-il, mais la spontanéité et l’anonymat qu’offrent les réseaux sociaux rendent désormais la parole totalement débridée, et de là les actes. Ce que constatent d’ailleurs tous les sites comme le nôtre où les commentaires peuvent parfois atteindre des niveaux extrêmes d’insulte et de violence. Il faut faire le buzz, aller vite, faire grimper la surenchère. Pas le temps de mesurer l’ampleur de ses propos, encore moins les conséquences de ses actes.
Les carabins de Nice voulaient, paraît-il, tourner un film dans les locaux d’odontologie de l’hôpital. Pour le mettre sur YouTube, bien sûr. Et peut-être le vendre à une pâte dentifrice ou une marque de fil dentaire comme on a vendu Serge le lama à Air France (pub des destinations vers le Pérou), à l’UNICEF, au magasin Auchan local, aux clubs de foot, au casino cannois de Palm Beach en attendant sans doute la remontée des Champs-Élysées pour Abercrombie & Fitch.
Reste une question : quand, parvenu en fin de cursus, on est encore assez crétin pour faire une « blague » de ce type, est-il raisonnable de se voir confier des patients ?
18 novembre 2013