« Convoi de la liberté », ou la politique hors les murs

convoi liberté

À l'image de la révolte canadienne contre les mesures anti-Covid, qui a débuté à la fin du mois de janvier, ainsi que du vaste réveil populaire, ici et là dans le monde, face à l'imposition brutale des QR codes, le « convoi de la liberté » français est arrivé à Paris, le samedi 12 février, non sans heurts avec les forces de l'ordre. Seulement, comme ce fut le cas durant le mouvement des gilets jaunes (2018-2019), les Renseignements généraux ont beaucoup de difficultés à appréhender une jacquerie, une fronde tant politique que sociale par définition, qui ne dispose d'aucune base militante ou syndicale, qui plus est avec des discours quelque peu différents, voire parfois opposés.

Du reste, nos actuels candidats à la prochaine élection présidentielle ne pourront pas saisir les raisons de cette lame de fond. En effet, il ne s'agit certainement pas d'un événement épisodique, mais d'un tsunami social à l'échelle moderne, où les réseaux sociaux et autres moyens de télécommunication jouent et joueront durablement tout leur rôle. Ou quand la philosophie sociale voit manifestement ce que des journalistes et des politiques ne veulent, ou ne peuvent, plus voir.

Cette philosophie consiste à rendre compte de l’utilité de la vie en société, notamment à travers la pratique d'un travail salarié. Or, la destruction de l'industrie et la numérisation massive ont concomitamment dissous nos vieilles structures anthropologiques. En somme, la redistribution des cartes s'est faite en faveur prioritairement de la haute finance et de la haute technologie, puis, partiellement, des activités de services et autres emplois précaires. Une uniformisation des tâches qu'on doit appeler « globalisation ». Dans cette perspective, la politique ne peut plus logiquement s'exercer avec les moyens institutionnels, ni pour les gouvernants ni pour les gouvernés ; le pouvoir politique n'étant plus dans les États-nations devenus progressivement des États fédérés au mieux, des sociétés déconstruites, divisées en actions cotées en Bourse au pire. En Europe, tout découle du traité de Maastricht (1992), qui a fini par provoquer le « Non » des Français au référendum sur le traité « établissant une Constitution pour l'Europe », en 2005, bien que le Président Sarkozy ait fait fi de la volonté générale. Ainsi, et à l'instar des longues tractations qui ont suivi le refus britannique, en 2016, de demeurer dans les mains de la Commission de Bruxelles, la voix du peuple, dès lors qu'elle ne coïncide pas avec les intentions des instances dirigeantes, reste lettre morte.

Tragiquement, la politique ne se fera plus dans les bureaux de vote. Que de lassitude face à des managers qui n'ont d'autre choix que de faire des coups médiatiques, de remâcher des éléments de langage, bref, de jouer une partition qui sonne faux ! Comme si l'individu devait écraser la Cité, démissionner de la citoyenneté. Néanmoins, voilà un dialogue de sourds entretenu pour que le parti de l'ordre continue d'organiser savamment l'ordre du désordre programmé, davantage le règne de l'arbitraire que l’anarcho-tyrannie. En substance, ni une « déconnexion » ni un « décalage » des élites, mais une sécession culturelle, une sécession qui devait donc en appeler une autre, politique, populaire.... Attention, danger !

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Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

Vos commentaires

34 commentaires

  1. LA Démocratie se meurt.. LA Démocratie est morte .. Tout veut se faire dans la Rue.. LE VOTE DOIT : être OBLIGATOIRE ET MAJORITAIE .. il sera peut-être a nouveau respecté ./

  2. Liberté, libertés chéries, le « peuple » en a assez de tous ces mensonges et de toutes ces obligations absurdes et trop souvent contradictoires, les vrais personnages politiques ne peuvent pas ne pas prendre en compte ce phénomène de revendication d’un peu plus de sérieux dans la restriction de nos libertés de vivre simplement sans toutes ces contraintes covid 19 et toutes celles qui s’y rattachent !!!!!

  3. « En substance, ni une « déconnexion » ni un « décalage » des élites, mais une sécession culturelle ». Elle est évidente. La démocratie, pouvoir de la majorité du peuple, a laissé place à la dictature des minorités ne représentant personne mais à forte agitation médiatique. Un exemple qui crève les yeux : la France s’engage pour 180 milliards d’€ dans une conversion énergétique dont la seule qualité est de satisfaire les Verts (5% des électeurs) au prix de sa ruine économique.

    • Pas seulement. C’est exigé par l’UE et par l’Allemagne qui a abandonné le nucléaire pour les usines à charbon.

  4. ce genre d’action peut servir le pouvoir en place;qui peut argumenter le report des élections pour des problèmes de sécurité ou bien comment voter dans ces périodes troublés…. Je crois qu’EM peut jouer les prolongation aidé par les sénateurs lrps qui ont un problème de leaders à cette élection …

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