Cette semaine a connu l'un de ces raccourcis que l'Histoire aime à donner pour nous permettre de juger les hommes et les époques.
Dans la chaotique (soyons gentils) fin de règne de M. Hollande, à côté de l'agitation de la jeune classe de M. Macron et Le Maire, il y a le ballet plus feutré des anciens, qui quittent l'apogée de leur carrière pour entrer dans une semi-retraite, toujours éclairée par les lumières dorées des palais républicains.
Et ce samedi 4 mars, après neuf ans de présidence, Jean-Louis Debré a quitté le Conseil constitutionnel, fier d'avoir réveillé cette institution, avec la QPC (question prioritaire de constitutionnalité), et de déclarer qu'en cinq ans, le Conseil a rendu plus de décisions qu'en cinquante. Samedi, il a été nommé président du Conseil supérieur des archives, institution qui doit se réunir une fois l'an et conseiller le ministre de la Culture dans ce domaine.
Jean-Louis Debré ? D'abord un fils, un héritier. D'un gaulliste et d'un résistant, d'un refondateur, en 1945 et en 1958, de la République : Michel Debré. Sinon ? Le ministre de l'Intérieur qui, en 1996, expulsa des sans-papiers de l'église Saint-Bernard à Paris. Cette tache énorme sur sa carrière aux yeux des bien-pensants de l'époque, et qu'il mit des années à faire oublier, n'en est plus une aujourd'hui, à l'heure où les socialistes, désormais, droits dans leurs nouvelles bottes vallsiennes, expulsent (ou essaient de nous le faire croire) les sans-papiers de nos jungles.
1996-2016 : vingt ans après... Au fait, que pense Jean-Louis Debré de l'évolution qui a fait passer la France de De Gaulle et de son père à celle qu'il a contribué à modeler, en fidèle chiraquien, jusqu'à celle de M. Hollande ?
En tout cas, il tient à accueillir le successeur que le président Hollande lui a choisi : M. Fabius, qui sera officiellement, le 8 mars, le nouveau président du Conseil constitutionnel. M. Fabius, pour les archives ? Le plus jeune Premier ministre de France, le scandale du sang contaminé, un mauvais bilan diplomatique en Syrie, vite repeint au vert de la COP21.
Et puis, quelques jours avant ce passage de témoin entre notables de la Chiraquie et de la gauche mitterrando-hollandienne, Yves Guéna s'en est allé.
Yves Guéna, pour les archives ? Un héros de la France libre, engagé à 18 ans: lycéen à Brest, il s'embarque dès le 19 juin 1940 pour Londres. Il voit de Gaulle quelques jours plus tard, défile le 14 juillet, puis sera grièvement blessé, en 1944, en Normandie. Première promotion de l'ENA, fondée par M. Debré, en 1945. Administrateur civil au Maroc. Ministre sous de Gaulle. Maire de Périgueux pendant trente ans. Plusieurs fois parlementaire. Président du Conseil constitutionnel. Gaulliste de conviction, il soutient M. Debré en 1981, percevant déjà les limites de M. Chirac, quand Jean-Louis Debré se mettra toujours dans le sillage de M. Chirac. Les fils ne sont pas toujours les héritiers les plus fidèles.
Yves Guéna : un héros, une carrière exemplaire, la fidélité à une certaine idée de la France, sans calcul de carrière. Les archives ne pourront pas en dire autant de MM. Jean-Louis Debré et Fabius. La République a, selon les époques, les présidents du Conseil constitutionnel qu'elle mérite.
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