Cinéma : Vaincre ou mourir, ce que vaut réellement le film sur Charette

Vaincre ou mourir

Évaluer honnêtement le premier film du Puy du Fou est une gageure pour l’auteur de ces lignes. D’abord parce que le sujet nous tient à cœur, ayant beaucoup étudié, à une époque, les écrits d’Émile Gabory, d’Anne Bernet, de Jacques Duchemin des Cépeaux, de G. Lenotre ou de Jean-François Chiappe. Ensuite, parce que la sortie de Vaincre ou mourir est entachée par des polémiques inutiles qui nous empêchent d’appréhender les choses sereinement – l’article aviné d’Écran large, véritable pétage de câble qui n’a plus grand-chose à voir avec l’esprit critique ni avec le journalisme, nous donnerait presque envie d’encenser le film bêtement…

Disons-le d’emblée : avant d’entrer dans la salle, nous craignions le film « mal fait », kitch, outrancièrement démonstratif. Nous redoutions le défouloir cinématographique, grossier, bravache et sans nuance d’une certaine droite. Si bien que nous étions crispé tout au long de la projection, guettant le faux pas de notre famille idéologique et les rires de victoire du spectateur de gauche biberonné depuis toujours à la mystique républicaine. Heureusement, il n’en fut rien.

Vaincre ou mourir n’est certes pas un chef-d’œuvre, il n’est pas non plus un navet, et encore moins un nanar.

Historiquement, le film est difficilement attaquable. De sa prise de commandement des insurgés en 1793 à son exécution, trois ans plus tard, en passant par son refus de prendre part à la virée de Galerne puis à sa participation aux accords de la Jaunaye, le parcours de Charette est dépeint de façon exhaustive et avec une rigueur historique qui force le respect. Les excès qu’il a pu commettre ne sont aucunement passés sous silence. Seul le destin de son second, Jean-Baptiste de Couëtus, a été simplifié, sans doute pour les besoins de la fiction.

Les réalisateurs Vincent Mottez et Paul Mignot, par ailleurs, ont eu l’intelligence de ne pas prendre position sur le débat relatif à un éventuel « génocide » vendéen. Soulignons, au passage, que cette courte séquence du début où plusieurs historiens expliquent les guerres de Vendée au spectateur alourdit le film inutilement et le ramène de façon maladroite à un docu-fiction télévisuel.

En effet, c’est sur la forme que pèche Vaincre ou mourir. Trop court, le film souffre d’une narration à épisodes, avec toutes les ellipses que cela suppose. Seule la voix off, maladroite tant elle s’avère envahissante, parvient (difficilement) à raccorder les wagons. Quant aux personnages secondaires, ils sont tout juste esquissés et, par conséquent, réduits à des stéréotypes.

Sur le plan technique, les réalisateurs pâtissent de leur faible budget (3,5 millions d’euros seulement) et d’un tournage éclair d’une vingtaine de jours : les cadres, trop serrés sur les visages, ne laissent que rarement respirer les corps – notamment dans les scènes de foule –, le découpage des batailles est brouillon et la photographie frise par moments l’amateurisme.

Pour autant, le récit est animé d’un souffle épique indéniable. Criants de sincérité, les acteurs semblent habités par le sujet (Hugo Becker en tête), les décors et costumes sont magnifiques et certains plans sortent du lot (l’exécution sur la plage).

D’une certaine façon, l'amateurisme de ce film, pointé et raillé par nos élites officielles (culturelles, médiatiques...), est en adéquation parfaite avec le sujet qu’il porte : l'histoire d'une armée d'amateurs vent debout contre l’ordre établi. Rarement la forme et le fond n'ont été aussi cohérents au cinéma.

Néanmoins, avec une telle ambition et un budget aussi bas, on se demande si Puy du Fou Films n’aurait pas mieux fait de s’attacher à un chef de la chouannerie plutôt qu’à un général vendéen. A voir.

3 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Merci pour cet article objectif qui accepte sans idéologie la force et les faiblesses du film. Ce genre de film qui relate une vérité historique insoutenable sur un sujet polémique est particulièrement difficile à réaliser. Je pense à des films comme celui sur les Cristeros ou à « des hommes et des dieux ». Même des films comme Thérèse ou La Passion, de Mel Gibson ont déchainé les critiques au sein même des chrétiens. Ce film ouvre la voie à d’autres qui ne manqueront pas de suivre. J’ai commandé la cassette DVD qui paraitra en Mai prochain.

  2. Je suis d’accord avec Marcellesi pour dire que le film était trop court pour un tel sujet. Ce qui me choque, c’est qu’on ait choisi de laisser de côté l’Oradour des Lucs sur Boulogne, qui est le premier crime contre l’humanité de la République au sens de Nuremberg. Jamais la gauche ne se serait privé d’une preuve aussi accablante. Les généraux bleus jouaient leur tête s’ils n’étaient pas assez sanguinaires. Un passage du film aurait dû montrer leurs cas de conscience. Les criminels absolus c’était les politiques, le comité de salut public, Carnot en tête, ce Carnot dont le nom figure sur toutes les rues, avenues, places et boulevards de France. Si l’on ne comprend pas que le crime est consubstantiel à la gauche depuis sa naissance du fait même de ses idées, on n’a rien compris.

    • Il est plus simple pour eux de renommer les rues portant le nom d’un écrivain russe, pour le remplacer par celui d’une femme de mahomet.

  3. Pour apprécier un film- tout comme un vin ou un livre- nul besoin de savoir ce qu’en pense un tel ou un tel: il suffit de laisser parler ses émotions. Après seulement on peut être plus cérébral et analyser. Personnellement j’ai aimé pendant et après. La guerre de Vendée, sous d’autres formes, est toujours d’actualité: ceux qui défendent leur liberté contre ceux qui veulent imposer la leur.

  4. Le film espérait 100.000 personnes pour signer une réussite. Malgré le peu de salles qui ont accepté sa diffusion, ce chiffre a été atteint en 1 semaine. La révolution a fait pire que la royauté en matière de violence envers le peuple de France. Quand j’entends les membres de LFI vanter Robespierre, j’ai envi de vomir.

  5. Même sans avoir vu le film, qui n’est projeté que dans certaines villes, on ne peut qu’en approuver le thème et le fond. L’éducation nationale, les politiques et les media encensent la République depuis des décennies auprès de nos enfants, mais on ne fait jamais appel à leur extrême sensibilité. Si l’assassinat du Roi, de la Reine et des aristocrates, les exécutions capitales diverses, la chasse aux curés et religieux, la Terreur, le massacre de Vendée, le génocide vendéen et les horreurs de la révolution leur étaient contés en détail, ils voteraient sans doute autrement. C’est justement pour ne pas courir ce risque que notre chère République falsifie l’histoire. À son avantage, bien sûr….

    • La « Terreur » a fait disparaître 13% de la population française ! Qui dit mieux ? Les soviétiques communistes ? Les totalitarismes de gauches ?

  6. Excellente critique ! Les bordées de boulets tirés par la gauche bien pensante, m’ont immédiatement poussé à aller le voir. La gauche nous a tellement habitué à maquiller ses outrances, qu’un tel déballage ne pouvait que tenter de cacher une vérité dont elle se serait passé. Par un effet Streisand bien connu, il n’en fallait pas plus pour qu’une foultitude de gens qui ne se seraient pas déplacés soient pris d’une envie soudaine de savoir pourquoi la gauche vomit tant. J’y suis allé. Je ne le regrette pas. Merci la NUPES.

  7. Ce succès est (devrait être) un message à tous ces soi-disant « cinéastes » bobo-gaucho-parigot-tête-de-v—, et d’ailleurs, à tous ces acteurs wokisés jusqu’au bout de leurs ongles peinturlurés…
    Vous avez tué le rêve, donc le cinéma !
    Descendez de votre « nirvana-de-gôche-bon-marché » !
    Mais attention, l’atterrissage sera dur, pour un grand nombre d’entre vous, qui disparaîtront, pour le plus grand bonheur des spectateurs, Sy Sy, vous verrez !

  8. Je suis d’accord ..mais à cause de moments d’émotion et pour défendre le projet il faut y aller.

  9. Effectivement le film sur le plan cinématographique m’a un peu déçu. Par contre sur le plan historique je l’ai beaucoup apprécié. A l’école libre construite par nos parents nous apprenions cette guerre de Vendée. L’école laïque de la commune ne parlait pas du sujet !
    Il eut fallu que les documents de la constituante apparaissent clairement lors des discussions.
    A suivre

    • Ce film est un document produit d’un point de vue historique. La polémique qu’il crée est normale et souhaitable. J’irai le voir pour diminuer un peu mon inculture.

  10. Magnifique film qui retrace parfaitement la sauvagerie de ces républicains grand teint. Toute la bien-pensance devrait avoir honte de ce qui s’est réellement passé, mais ils préfèrent travestir l’histoire plutôt que de la regarder en face. République qui n’a pas encore terminé son oeuvre de destruction massive du pays. Ils ignorent ce qui s’est passé au Luc-sur-Boulogne premier Oradour-sur-Glane etc… Il faut pas oublier que tous les tyrans du monde se sont inspirés de la révolution Française pour mettre en oeuvre leurs funeste programme. Vive le Roi.

    • tiens, parlez moi de Saint Louis, le roi de la destruction des cathares en Languedoc? Un petit saint, donc?

      • La polémique est honnête sur ce sujet, mais qui a assez de culture pour juger sereinement ces évènements qui ont pourtant près de six siècles, à un moment où le royaume de France était loin d’être constitué. Qui peut actuellement juger objectivement l’action de Louis XI ?

      • Et vous oubliez les croisades avec les massacres des « incroyants » en Terre dite Sainte, l’inquisition, Philippe Le Bel et les Templiers, tous ces bûchers allumés pour brûler les hérétiques. Mon Dieu, que de crimes commis en ton nom et qui n’ont jamais cessé. Vaste sujet!

  11. Il aurait fallu que le ministère de la culture accordé une aide, comme il le fait pour tous les films à grand succès que produit, chaque année, le cinéma français.

  12. Si sur le plan historique il est « inattaquable » en tant que premier film et avec un petit budget , soyons compréhensif sur la mise en scène !

  13. Excellente critique. Les maladresses et longueurs s’expliquent par l’inexpérience du producteur (Le Puy-du-Fou), mais tel quel, le film relance non seulement le débat sur le génocide, mais celui sur le mémoricide qui lui a fait suite et qui dure encore. Trop de Français ont été maintenu dans l’ignorance de la contestation du processus révolutionnaire, non seulement en Vendée, mais dans la plupart des provinces (mouvement fédéraliste). Cette contestation a été partout réprimée avec férocité, qui a atteint des sommets d’horreur en Vendée. Il faut espérer que le Puy-du-Fou ne s’en tiendra pas là, et que d’autres épisodes de l’épopée contre-révolutionnaire seront portées à l’écran (le baron de Batz, la chouannerie, la destruction du centre de Lyon, la répression à Bordeaux et à Marseille, …)

  14. Merci … donc « Bien » mais peut mieux faire. C’est surtout cela l’important,car j’ai cru comprendre que le Puy du Fou relevait un défi, celui du cinéma de la France et de son histoire. Celui qui à part pour quelques œuvres, nous a été enlevé par un cinéma anglo-saxon et un cinéma déconstructif.

    Vaste entreprise au Puy du Fous donc, … bon un remake du « Taxi pour Tobrouk » en Vendée faut voir. Tant qu’il n’envisage pas de nous évoquer « le martyre de la division Charlemagne », cela ira. On a déjà eu « Lacombe Lucien » dans le style.

    • On attend encore un film sur Jacques Cathelineau, le « saint de l’Anjou ». Pour la division Charlemagne, je ne crois pas que l’on soit encore prêt à relater le sort funeste des polytechniciens et saint-cyriens qui s’y sont fourvoyés (j’en ai connu un , ruiné par l’alcoolisme) ou à relater le sort des « malgré nous » du camp de Tambov, pourtant bien présents sur les monuments aux morts Alsaciens.

      • Que voulez-vous on a les polytechniciens et saints cyriens qu’on a écouté.

        Les miens ont été des résistants, des français libres, …

        Leurs cauchemars étaient certes dans les horreurs qu’ils avaient vu, et qu’ils devaient surmonter mais leurs tenus étaient dans la certitude simple qu’ils avaient fait leur devoir et qu’ils avaient préservé l’honneur de la France et donné un avenir aux français …

        Je m’EMPRESSE de dire avant qu’on me reprenne, que hélas, hélas, … la collusion des calculateurs vichystes à fait la suite. C’est bien pour cela que je laisserai en dehors du Puy du Fou, l’expression du « Martyre de la Division Charlemagne » qui n’est qu’une souillure de plus des années d’occupation/collaboration.

        Surtout que la Division Charlemagne n’a représenté qu’environ 7000 hommes sur les 600.000 européens, non allemands qui ont participé à Barbarossa.

        Je préférerai voir le Puy du Fou soutenir un film sur l’Histoire du Normandie Niemen, de la 1er Division Française Libre, …. Bref ce que n’a jamais fait un Europa Corps par exemple.

      • J’ajoute qu’il vaudrait mieux éviter de laisser à la sphère anglo-saxone et donc Europa Corps le loisir de faire un film sur le Normandie Niemen et la 1er DFL. Il vaut mieux se méfier des effets « boule de billards » du cinéma d’auteurs trop engagé en Géopolitque.

  15. Commentaire honnête, comme l’est ce film qui ne laisse pas indifférent ; La haine des Libé, Télérama démontre que malgré ses défauts le film est réussi et ébranle des certitudes de plus de deux siècles

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