Cinéma : Le Monde d’hier, traditionnel navet d’avant-présidentielle contre « l’estremdrouate »

le monde d'hier

C’est une tradition, désormais : un film sort au cinéma à la veille des élections pour bien rappeler aux Français que plane sur le pays la menace de « l’estremdrouate »… Une occasion en or, pour les cinéastes en mal de reconnaissance, d’aller se faire mousser auprès de la profession en jouant la carte de l’engagement politique et du citoyennisme en peau de lapin – on a les maquisards qu’on mérite…

En 2002, c’était Gilles de Maistre qui, avec Féroce, en appelait ouvertement (et impunément) à l’assassinat de Jean-Marie Le Pen. En 2017, c’était Lucas Belvaux avec Chez nous, plongée caricaturale au possible dans les coulisses du Front national. En 2020, dans un (mauvais) esprit similaire, sortait à la veille des élections municipales le documentaire abject La Cravate, où un jeune militant FN de vingt ans à peine était manipulé et humilié durant une heure et demie par les réalisateurs Mathias Théry et Étienne Chaillou.

2022 n'a pas fait exception ; le film militant qui a précédé le premier tour de la présidentielle est Le Monde d’hier, de Diastème. Lequel, on s’en souvient, avait déjà réalisé Un Français, en 2015, sorte de relecture poussive et invraisemblable d’American History X sur un skinhead repenti.

Avec Le Monde d’hier, le cinéaste imagine, à la veille du premier tour de l'élection présidentielle française, une manœuvre du Kremlin (forcément…) visant à déclencher sous peu un scandale de corruption éclaboussant le candidat du système, Luc Gaucher, successeur donné favori de la Présidente Élisabeth de Raincy. L’objectif des Russes étant de faire élire son rival « d’extrême droite », François Willem, qui aurait désormais toutes les chances d’arriver au pouvoir.

Lorsque le secrétaire général de l’Élysée, Franck L’Herbier, incarné par Denis Podalydès, fait part à la Présidente de cette information encore confidentielle, une idée lui traverse l’esprit : faire assassiner Willem au plus vite pour sauver la France du péril fasciste… Un péril, nous explique L’Herbier en plein délire, dont on percevrait les prémices jusque dans la gestion des municipalités d’extrême droite : chasse quotidienne aux juifs et aux musulmans, traque des migrants et des homosexuels (!). Le tout encouragé par la Russie, qui rêverait de former une « Internationale fasciste » avec la France, la Hongrie et la Pologne. Un discours ahurissant, mais servi avec gravité, qui en dit long sur la confusion intellectuelle du personnage et, à travers lui, du réalisateur… De là, certainement, les maladresses de mise en scène, pompière et digne d’une série B, les aléas du récit qui s’embourbe dans les intrigues secondaires et ne sait plus quoi raconter, et la direction d’acteurs chaotique – Podalydès achève sa prestation dans un plan ridicule qui ne manquera pas de susciter les rires nerveux du spectateur désabusé.

L’on s’amuse, surtout, de voir les cultureux de gauche fantasmer la menace d’un régime totalitaire pour mieux justifier leurs propres pulsions meurtrières à l’encontre de leurs opposants politiques – on voit bien là ce que valent réellement ces « authentiques démocrates »…

Le film, bien sûr, n’encourage pas ouvertement l’assassinat des candidats de la droite nationale, non, il se contente simplement d’envisager la chose, l’air de rien, à quelques jours du scrutin… Si de funestes vocations devaient naître par la suite et que le pire advenait, Diastème déclinerait évidemment toute responsabilité…

Pas d’étoile, soyons sérieux.

 

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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