C’est la comédie du moment, celle qui est censée colorer le début des vacances d’été. Le cinéaste Martin Provost a mis les petits plats dans les grands, réuni Juliette Binoche, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, Edouard Baer, et même François Berléand, autour d’un film « sociétal » à caractère historique, voire provincial. Toutes les cases, en théorie, sont cochées pour mobiliser un maximum de spectateurs. La Bonne épouse, comme son titre le laisse présager sans grande subtilité, va alors jouer la carte de l’ironie légère pour mieux pourfendre les odieux défenseurs du patriarcat. Lequel a été tué il y a cinquante ans, mais passons…

L’histoire se déroule en Alsace à la veille des événements de mai 68, lorsque le personnel enseignant d’une école ménagère accueille ses nouvelles pensionnaires. Paulette Van der Beck, la directrice, se met en quatre pour inculquer aux jeunes filles les « arts ménagers » indispensables à la bonne tenue du foyer : la cuisine, le ménage, le blanchissage, le repassage, la couture, le jardinage, etc… Le jour où meurt son époux, étouffé accidentellement par un os de lapin, Paulette découvre qu’il n’a pas su gérer intelligemment les deniers de l’école et que celle-ci risque de fermer. Avec sa belle-sœur Gilberte et sœur Marie-Thérèse, elle va devoir se retrousser les manches, et s’émanciper au passage de toutes les valeurs traditionnelles qui fondaient jusque-là son enseignement…

Le récit de Martin Provost ne nous épargne aucun cliché. Qu’il s’agisse du chéquier réservé aux hommes, du port du pantalon interdit aux femmes, du rapport sexuel obligatoire avec un mari lourdingue et libidineux, ou de la relation lesbienne (il en faut forcément une…) entre deux pensionnaires, le cahier des charges est largement rempli. On a même droit à une séquence où, réunies chez l’une d’entre elles, les jeunes femmes se mettent à danser, pour bien nous signifier la beauté de l’émancipation féminine… Sans oublier, bien sûr, la séquence finale, gênante tant elle est grotesque, où pensionnaires et enseignantes s’en vont rejoindre à Paris la glorieuse révolution soixante-huitarde en chantant la liberté de la femme sur les routes de campagne.

Les premiers Tartuffe du féminisme sont toujours des hommes, impatients de se démarquer de leurs congénères masculins, dont ils condamnent avec une indignation feinte l’indélicatesse, pour mieux faire valoir leur propre sensibilité, se satisfaire de leur image et épater les femmes. Un schéma classique, trop classique, qui vire souvent à la stratégie de séduction. Provost ne déroge pas à la règle. Démasqué, cent fois démasqué, il commet une erreur fatale au propos général de son œuvre : celle de faire redresser les finances de l’école non pas tant par la bonne gestion de Paulette Van der Beck – ce qui eût été un authentique discours féministe – que par sa relation adultère avec le banquier local qui consent par amour à lui accorder des prêts. La maladresse du réalisateur est monumentale, et il n’en a pas conscience. Que dire, par ailleurs, du banquier, seul personnage masculin que semble valoriser Martin Provost alors que, soumis à ses sentiments, celui-ci saborde son mariage (on ne verra jamais l’épouse ni les enfants, c’est dire leur importance…) afin de vivre sa liaison clandestine avec Paulette. Pour le banquier, comme pour le cinéaste, l’homme de la modernité doit se féminiser, substituer ses passions à la raison, jusqu’à l’individualisme forcené. Déconcertant.

2 étoiles sur 5 (pour le casting, et notamment Marie Zabukovec, jeune actrice promise à un bel avenir)

 

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03 juillet 2020 à 9:03

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