Cinéma : J’veux du soleil, le documentaire sur les gilets jaunes

Cinéma : J’veux du soleil, le documentaire sur les Gilets jaunes

Le mouvement des gilets jaunes n’est pas terminé que celui-ci a déjà droit à un premier traitement cinématographique avec J’veux du soleil.

François Ruffin, de La France insoumise, et Gilles Perret, qui avait suivi Mélenchon durant sa campagne présidentielle de 2017 avec son documentaire L’Insoumis, s’associent aujourd’hui derrière la caméra pour rendre justice à ceux qu’ils estiment – à juste titre – malmenés par les médias.
En effet, renvoyés aux violences des fins de manifs par les Black Blocs et autres racailles de banlieues, puis qualifiés de racistes, d’homophobes, d’antisémites, les gilets jaunes avaient naturellement de quoi émouvoir François Ruffin. Lui-même suspecté abusivement d’antisémitisme par les journalistes du Monde et de Libération sur la simple base de sa relation avec l’infréquentable Étienne Chouard, Ruffin ne pouvait que se méfier des épithètes peu flatteuses jetées, semaine après semaine, sur les manifestants par les élites politico-médiatiques.

Ainsi, il n’est pas surprenant que le député de la Somme ait décidé en personne de sonder le terrain en allant, de rond-point en rond-point, interroger les gilets jaunes avec sa caméra afin de comprendre précisément de quoi il retourne. Sa démarche est-elle pour autant désintéressée politiquement ? Bien sûr que non. Celle-ci ne fait, d’ailleurs, qu’illustrer magnifiquement la récupération du mouvement par une extrême gauche matoise et opportuniste – La France insoumise, pour ne pas la nommer – qui parvient, petit à petit, à nous faire passer d’un soulèvement anti-taxes, plutôt droitier à l’origine, populaire et périurbain, à un mouvement obnubilé par la seule question de l’ISF dont personne en vérité n’a cure, pas même les gens interviewés dans le documentaire.

La manœuvre n’échappe à personne, Ruffin cherche à envoyer un signal fort aux gilets jaunes, à leur signifier l’intérêt que leur porte La France insoumise. L’air de dire : « Vous savez maintenant qui sont vos amis, n’oubliez surtout pas d’aller voter en mai... »

Ceci, par ailleurs, n’entame en rien la sincérité avec laquelle il interroge les manifestants tout au long du film, sa sympathie pour eux est manifeste et la bienveillance dont il fait preuve, à l’écoute de leurs problèmes quotidiens, ne vire jamais à la pitié ni au paternalisme.

Reste que la structure du documentaire frise la paresse intellectuelle. Elle se résume grosso modo à une série d’entretiens avec des gilets jaunes trouvés sur différents ronds-points du pays, entrecoupés de courtes séquences médiatiques où des journalistes et personnalités politiques de tous bords multiplient les commentaires dédaigneux à leur encontre. Évidemment, les interventions du Président Macron occupent une place de choix dans ces compilations.

Le procédé, efficace tout en étant classique, consiste à mettre en lumière le fossé existant entre la réalité anthropologique des manifestants et le commentaire médiatique dont ils font l’objet. Tout est fait pour provoquer l’indignation du spectateur – c’est de bonne guerre.

Là où le bât blesse – et les deux réalisateurs le revendiquent volontiers en interview –, c’est qu’aucune analyse n’est faite sur la formation du mouvement, sur sa logistique, ses figures majeures, son évolution au fil des mois, ses débats internes, sur les différentes manifestations à Paris ou en province. Un travail qui nous eût permis, peut-être, de prendre de la hauteur sur les divers témoignages individuels, d’en apprendre davantage sur les gilets jaunes en tant que dynamique collective, et de filmer la marche de l’Histoire. Mais n’est pas Eisenstein qui veut, nous en resterons donc ici aux cas particuliers. Un problème inhérent au mode de pensée de la gauche…

2 étoiles sur 5

https://www.youtube.com/watch?v=9kUBX4TtD2E

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 13/04/2019 à 8:24.
Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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