« La Macronie, c'est un jour, une affaire. » Le magistrat spécialisé dans la lutte contre la fraude alarme sur les relations troubles entre le cabinet de conseil américain McKinsey et le gouvernement. En cause, les sommes folles d'argent public déversées pas toujours à bon escient dans l'escarcelle du cabinet américain.

Marc Eynaud. De quoi le cabinet de conseil McKinsey dont on entend beaucoup parler est-il le nom ?

Charles Prats. Le cabinet de conseil McKinsey est un cabinet de conseil en organisation et en stratégie. On en entend parler ces jours-ci car il a fourni des prestations de conseil aux services publics, à l’État, notamment des prestations de conseil, depuis l’élection d’Emmanuel Macron. McKinsey est intervenu dans la gestion de la crise sanitaire mais pas que. En réalité, nous l’avons découvert, grâce aux investigations de la commission d’enquête parlementaire mais aussi en reprenant des archives, notamment Macron leaks, cette fameuse suite d’e-mails de la campagne de Emmanuel Macron en 2017. Les Français redécouvrent le rôle très particulier qu’a joué le cabinet McKinsey et un certain nombre de ses associés dans la construction politique de Emmanuel Macron et de la macronie puis dans La gestion de l’État sous Emmanuel Macron. Aujourd’hui, cela heurte les Français car dans le cadre des investigations de cette commission d’enquête parlementaire, il a été révélé que le cabinet McKinsey ne payait pas d’impôts sur les sociétés en France par un mécanisme d’optimisation fiscale bien connu : la manipulation des prix de transfert ou du moins l’utilisation agressive des prix de transfert. Ceci permet à Mac Kinsey de ne pas payer d’impôt sur les sociétés en France, alors même qu’il fait plusieurs centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires sur notre territoire national. Cela choque légitimement les gens.

M.E. Et ce que fait McKinsey...et c’est illégal ?

C.P. Faire de l’optimisation fiscale, ce n’est pas illégal. Ça devient illégal quand l’optimisation fiscale est très agressive et qu’elle tend, par des mécanismes d’abus de droit, à de la fraude fiscale. Ce sera certainement toutes les questions des investigations qui devraient intervenir. Y aura-t-il ou pas une remise en cause des déclarations fiscales du cabinet McKinsey dans les années à venir à cause de ce scandale ? Il faudra voir si oui ou non, en terme de réglementation fiscale, les prix de transfert ont été documentés.

Il s’agit pour la maison mère aux États-Unis, basée dans le Delaware un État américain où l il y a très peu voire pas d’imposition, de facturer des frais à ses différentes filiales dans les autres pays, pour permettre à ces entités, par exemple en France, de réduire leurs bénéfices pour les amener à un niveau de non-imposition. Par ce mécanisme, utilisé par un très grand nombre de multinationales, les bénéfices sont transférés dans des pays où l’imposition est moindre. C’est une gestion mondiale du résultat et de l’imposition que pratique McKinsey, comme d’autres sociétés. Lorsque cela vient sur des chiffres d’affaires réalisés en France avec de l’argent public, cela choque légitimement la population.

M.E. Est-ce choquant que le gouvernement fasse appel à des sociétés privées pour être conseillé ?

C.P. Il y a toujours eu des prestataires de services extérieurs privé pour l’État et les services publics. Ce qui est plus embêtant, c’est le rôle très particulier du cabinet McKinsey dans la macronie. Ce sont des gens de ce cabinet qui ont aidé Macron à se construire et ont aidé à la création d’En marche. Depuis cinq ans, ils participent à la définition de la politique publique, rémunérés par de l’agent public. Ce qui choque les Français est ce télescopage entre, d’un côté ce cabinet privé facturant des millions et des millions d’euros, et d’autre part le fait d’apprendre qu’il a participé à la construction d’Emmanuel Macron. Les gens peuvent légitimement s’interroger, voire se scandaliser. Pour deux costumes et un emploi d’assistante parlementaire, François Fillon a été éliminé de la présidentielle en 2017. J’ai vu passer un tweet d’un célèbre journaliste de Boulevard Voltaire qui relevait ce problème et il se demandait s’il ne fallait pas, pour McKinsey, offrir des costumes et employer son épouse pour pouvoir interroger Emmanuel Macron !

M.E. Le candidat Emmanuel Macron peut-il être mis en examen ?

C.P. Non, il bénéficie de son immunité de président de la république. Tant qu’il est Président de la république, il ne peut pas faire l’objet de poursuites. Encore faudrait-il que, juridiquement parlant, il y ait lieu à poursuites pénales. Le Président de la république n’est pas celui qui passe des commandes publiques. Ce n’est pas lui qui demande au cabinet de réaliser des prestations. Sur cette question spécifique, la responsabilité pénale d’Emmanuel Macron ne peut pas être engagée.

M.E : Pourquoi personne ne s’émeut de ces affaires ?

C.P. C’est une bonne question. On aurait tendance à dire que la macronie c’est : un jour une affaire, entre les députés et les ministres, mis en examen, poursuivis, mis en cause etc. Mais ça n’imprime pas dans le public car peut-être que les journalistes ne le font pas imprimer, alors même que tout cela est public et documenté. Ça devrait être un des sujets de cette campagne présidentielle et pour l’instant ça n’en est pas un.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 24/03/2022 à 16:06.

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22 mars 2022 à 22:47

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45 commentaires

  1. « raconte encore l’impuissance de l’État macroniste face à l’islamisme. » Moi je dirais la complicité.

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