À l'instar du corbeau, le peuple grec jurera, un peu tard, qu'on ne l'y prendra plus. Responsable de la crise, de la fragilité des institutions européennes, de la dette et des flux migratoires, la Grèce est la cause de tous les maux des élites européennes. Si certains arguments, notamment concernant la crise financière, peuvent être recevables, la dernière exhortation de l’Union européenne - remettre un contrôle strict à ses frontières pour endiguer le flux de migrants - est inique ! L’ultimatum européen implique pour le pays d'Hercule d'appliquer les recommandations européennes pour gérer les flux de migrants, sous trois mois. Cette décision fait suite au constat de "sérieuses défaillances"…
Évidemment, toutes les défaillances ne sont pas dues uniquement à l'incapacité des Grecs. Quand Mutter Merkel encourage les migrants à se jeter sur les routes et sur les mers pour venir vivre en Europe (Personnalité de l'année 2015 grâce à cela, rappelons-le), il n’est pas étonnant de voir la Grèce subir les affres de telles décisions politiques. Il n’est pas non plus étonnant que les migrants tentent le tout pour le tout sur la mer pour se faire ramener par des pêcheurs grecs charitables sachant pertinemment qu’une fois le pied à terre dans Schengen, les Européens n'auront ni le cœur ni le courage ni l'intelligence de les expulser.
Pendant vingt ans, les élites européennes nous ont répété sans faiblir que la frontière était le symbole du repli sur soi et de la fermeture d’esprit. La leçon est si bien entrée dans nos têtes que les frontières extérieures censées protéger l'Europe ont toujours été particulièrement poreuses et inefficaces. Pendant vingt ans, les grands pontes européens ont affirmé qu’il fallait s’ouvrir au monde pour survivre et la Grèce, bonne élève, a suivi les recommandations pour éviter les procès si nombreux devant la CEDH pour atteintes aux droits et libertés fondamentales… Et aujourd’hui, on lui demande de désapprendre vingt années de politiques européennes. Il est impossible pour l'Olympe d'honorer cette tâche titanesque !
La Grèce est la porte d'entrée du monde oriental en Europe. Il paraît que la Grèce "met en péril Schengen". Mais ce sont les politiques migratoires et l'idéologie du cosmopolitisme qui mettent en péril l’Europe depuis plus de 30 ans ! C'est le multiculturalisme qui tue l'Europe et qui glorifie toutes les différences sauf celle, essentielle pourtant, d'être européen. Le procès fait à la Grèce est détestable car il cristallise tout ce qui est affreux dans la construction européenne : une intelligentsia au-dessus des gouvernements, ayant un vrai pouvoir d'action et d'inflexion de la politique des États.
Prométhée était enchaîné dans le Caucase et un aigle venait lui dévorer le foie chaque soir : viendra un temps où la Grèce voudra se libérer de ses chaînes la liant à l'Union, pour arrêter de se faire dévorer les organes par la Commission !