La cérémonie des César.

Ni tout à fait la même.

En effet, si on a eu le discours militant ânonné grotesque, le ministre de la Culture, en revanche, n'a pas eu droit à la salve habituelle. Pour montrer comme on était libre et forcément de gauche, toujours.

Franck Riester aurait dû se satisfaire de cette abstention au lieu de déplorer, ensuite, avec un zeste de démagogie, l'attribution du César du meilleur réalisateur à Roman Polanski.

J'aurais été ce dernier, je serais venu. Rien de plus efficace qu'une présence pour couper court, autant que possible, aux dénonciations extrémistes, absurdes. Il aurait fallu du courage et une forme de noble masochisme : il ne les a pas eus.

Ni tout à fait une autre.

Car cette cérémonie a été épouvantablement longue et pas toujours excitante dans son déroulement. Florence Foresti, avec talent, a réussi des miracles mais elle ne pouvait pas, à elle seule, constituer tout le spectacle.

On a eu aussi les discours plats et corporatistes. Celui de Sandrine Kiberlain ne valait vraiment pas le détour. Il a emprunté tous les chemins balisés, du cinéma au féminisme, avec la pinte d'idéologie qui convient. On espérait qu'elle s'arrête. Mais une mauvaise intervention s'arrête toujours trop tard !

Les prestations des remettants sont, paraît-il, écrites par d'autres. Je voudrais croire, pourtant, que celle étincelante d'Emmanuelle Devos ne lui a pas été totalement étrangère.

Pour la nécrologie, on aurait pu aussi faire un sort particulier à l'immense comédien qu'était Michel Aumont.

On a créé un César du public (parmi les cinq films ayant fait le plus d'entrées), mais comme les professionnels ont le dernier mot, évidemment, ce n'est pas le gagnant (Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu ?) qui a été primé, trop comique, pas assez artistiquement correct, mais évidemment Les Misérables, correspondant mieux à l'humus des jurés. Le peuple a tous les droits, certes, mais il ne faut pas en abuser !

On a donné le César du meilleur film étranger à Parasite, en suivant de manière moutonnière une promotion internationale. Alors qu'il y avait pourtant Joker ou l'extraordinaire Traître, de Marco Bellocchio.

Cette cérémonie ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, donc, mais avec quelques moments singuliers.

Roman Polanski reçoit le César du meilleur réalisateur et Adèle Haenel courroucée, alors qu'elle était tout sourire avant quand l'espérance de voir son amie Céline Sciamma en bénéficier l'habitait encore, quitte la salle avec quelques autres. Je vois cette consécration comme un bienfaisant pied de nez à ceux incapables de distinguer le créateur de son film (qui n'évoquait pas ses turpitudes réelles ou supposées mais l'affaire Dreyfus) et poussant l'ineptie jusqu'à considérer qu'aller voir cette œuvre vous aurait rendu complice d'un viol ! Bien loin d'être « la nuit du déshonneur » sur ce plan (Mediapart), la soirée de la résistance à un totalitarisme se trompant de cible !

Et la classe de Fanny Ardant se disant heureuse pour Roman Polanski !

Sur ce sujet, il ne faut pas manquer Éric Neuhoff qui dérange, remue, provoque en dénonçant le cinéma français « où il y a de plus en plus de gendarmes et de moins en moins d'artistes » (FigaroVox).

Il y a eu un instant de grâce improvisée avec la fraîcheur spontanée d'Anaïs Demoustier, qui n'a pas éprouvé le besoin de nous communiquer un message mais seulement sa joie d'être une jeune actrice et son admiration pour certains de ses pairs.

Il fallait, bien entendu, que Les Misérables obtiennent le César du meilleur film et Sandrine Kiberlain nous l'a annoncé, triomphante, comme si elle l'avait reçu. Ladj Ly, cet ancien condamné pour des faits graves, a trouvé la réinsertion la plus chic qui soit : un César. Pourquoi pas ?

Il a peu parlé, heureusement, mais il a proféré une bêtise sur la banlieue où tout s'expliquerait par la « misère », comme si, dans ces lieux, les êtres étaient dénués de toute responsabilité et liberté. Pour le meilleur - tant de jeunes gens ont réussi, aussi bien grâce à leurs qualités qu'à des familles exemplaires ; songeons, par exemple, à Kylian Mbappé - et pour le pire - les délinquants et les criminels ne sont pas poussés vers la transgression par la « misère » mais par eux-mêmes -, il a caricaturé cet univers qu'il affirme bien connaître. Le jour où on acceptera de considérer les cités comme l'ensemble des villes et des territoires français, ni plus ni moins, on aura accompli un grand pas social et politique.

Le César pour Foresti et... ?

On a le droit de se poser la question.

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29 février 2020 à 21:29

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