Le 16 octobre dernier, à Rome, le pape François a canonisé sept nouveaux saints, dont les Français Élisabeth de la Trinité et Salomon Leclercq.

Il est d’usage, dans une pareille circonstance, que le gouvernement du pays d’origine des nouveaux saints soit représenté. En 2015, c’est Bernard Cazeneuve qui avait ainsi assisté à la canonisation de Jeanne-Émilie de Villeneuve. Le très laïc ministre de l’Intérieur, que certains disent franc-maçon, s’était plié de bonne grâce à cette tradition qu’il n’avait pas manqué de qualifier de "républicaine".

Mais Cazeneuve aurait refusé, selon Le Canard enchaîné, de se rendre à Rome cette fois-ci. Toujours bien informé, le volatile du mercredi croit savoir que la personnalité de Salomon Leclercq ne permettait pas au premier flic de France d’honorer la cérémonie de sa présence. En effet, le nouveau saint a quelque chose de dérangeant pour un pur républicain.

Né le 14 novembre 1745 à Boulogne-sur-Mer, Nicolas (Salomon en religion) Leclercq était un Frère des écoles chrétiennes, institution fondée par Jean-Baptiste de La Salle pour l’éducation des enfants pauvres. En 1790, l’Assemblée nationale décréta la Constitution civile du clergé, sanctionnée par le roi le 24 août. Le texte rompait le concordat de Bologne de 1516 en faisant des ecclésiastiques des fonctionnaire de l’État, et contenait les germes d’un schisme que le pape Pie VI dénonça rapidement. Comme la quasi-totalité des évêques et la moitié des prêtres, le frère Salomon refusa le serment rendu obligatoire le 26 novembre. Devenu réfractaire, démis de toute fonction cléricale, il subit alors comme tous les autres la persécution du nouveau pouvoir révolutionnaire.

Resté à Paris, le frère Salomon Leclercq fut arrêté le 15 août 1792 et enfermé à la prison des Carmes. C’est là qu’à l’instigation de Danton, de nombreux religieux furent massacrés au cours des journées de septembre. Tués à l’arme blanche dans les jardins du couvent, ils inaugurèrent la longue cohorte des martyrs de la Révolution. 188 d’entre eux furent béatifiés par Pie XI le 17 octobre 1926.

Évidemment, pour un ministre socialiste pour qui la République se confond avec une France née en 1789, le martyre d’un prêtre a quelque chose de dérangeant. Car Salomon Leclercq est mort pour ce qu’il représentait, et non pour ce qu’il avait fait. À l’image de Jacques Hamel, ce n’est pas sa personne qui était visée, mais la vocation qu’il avait choisie, la fidélité à sa foi, la persévérance dans son engagement en faveur des plus pauvres, animé par une profonde charité chrétienne.

Ce faisant, Bernard Cazeneuve, cohérent avec lui-même, montre le visage le plus sectaire de la France contemporaine. Incapable de regarder l’Histoire en face, il ne peut accepter que le régime scellé par le sang de ses innombrables victimes, du roi aux humbles paysans vendéens, soit ramené à ses origines. La République de monsieur Cazeneuve a quelque chose de terriblement robespierriste : nimbée d’une pureté irréelle virant à l’utopie sanglante, elle n’ose pas affronter son passé. Incapable de repentance, elle s’identifie à la France pour mieux faire oublier qu’avant elle, quatorze siècles de monarchie à l’histoire tumultueuse ont fait de la France ce qu’elle est.

Et on nous parle sans cesse de « vivre ensemble »…

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20 octobre 2016

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