François Hollande voulait « à tout prix » que la Grèce reste dans la zone euro. Le président de la République française[ref]On aura garde d’oublier le rôle éminent tenu par Nicolas Sarkozy. Pour toutes informations complémentaires, relire Le Coche et la Mouche.[/ref] a obtenu satisfaction. À quel prix ? Au prix des accords monstrueux dont les dix-huit ont accouché après une douloureuse nuit de travail, et dont on peut d’ores et déjà évaluer les énormes dégâts dont ils sont gros dans le présent et dans l’avenir.
La Grèce, nous dit-on, est « sauvée » une fois de plus par les courageux pompiers qui l’ont noyée sous des trombes d’eau. Placée sous la tutelle rapprochée de la Troïka réinstallée à Athènes et sous la haute surveillance de l’Eurogroupe, la malheureuse est contrainte dans l’immédiat de vendre à l’encan ses derniers bijoux de famille. Pitoyable vide-greniers étalé en place publique sur lequel s’abattent comme un vol de vautours toutes sortes de rapaces en quête de bonnes affaires à vil prix. Alors qu’on lui avait fait miroiter un allégement de sa peine, non seulement le pays est reconduit dans sa prison pour dettes, mais il est arrêté que toute inflexion de sa politique, avant d’être soumise à son Parlement ou à une consultation populaire, devra désormais avoir obtenu l’approbation de ses protecteurs. La Grèce n’est plus qu’une épave qui fait eau de toutes parts et dont le grand navire qui l’a prise en remorque peut à tout moment, après l’avoir conduite en haute mer, larguer les amarres et observer le naufrage.
Que dire, maintenant, du malheureux Tsípras ? Plébiscité par le peuple sur un programme de refus de l’austérité et de la tutelle étrangère, il rentre de Bruxelles avec mission de renforcer l’austérité et l’assujettissement de son pays à l’Union européenne, qui est le nom officiel de l’Allemagne. Parti pour la Belgique en défenseur de la Grèce auprès de l’Union européenne, il en revient en tant qu’exécuteur des consignes que lui a données l’Union pour mettre la Grèce au pas, et c’est avec les voix de la droite europhilitique, contre les frondeurs de SYRIZA, qu’il compte faire passer l’amère potion qu’on lui a mijotée. François Mitterrand avait loyalement tenté d’appliquer le programme sur lequel il avait été élu avant de prendre le tournant de la rigueur deux ans plus tard. De Gaulle avait négocié sa volte-face sur l’Algérie en dix-huit mois. Tsípras n’aura mis que six mois pour tourner le dos à ses promesses les plus formelles. Le reniement du jeune et charismatique Premier ministre en qui la gauche européenne avait mis tous ses espoirs est un rude coup porté à Jean-Luc Mélenchon, à Podemos et autres porteurs d’espérance. L’alternative à l’austérité est-elle vouée à ne s’incarner que dans des illuminés ou des imposteurs ? Bonne opération pour les libéraux qui nous enfument. Prisonnier et otage des puissances devant lesquelles il a mis bas les armes, Tsípras le magnifique joue au service de l’Allemagne le rôle que Paulus, le vaincu de Stalingrad, endossa pour la plus grande satisfaction du Petit père des peuples.
L’Allemagne apparaît comme la triomphatrice du sommet de Bruxelles. Il est vrai qu’elle y a dicté sa loi et que son influence décisive a fait ressortir aux yeux de tous le recul et l’isolement du partenaire français définitivement semé dans les cols du tour d’Europe. Qu’Angela Merkel ne se réjouisse pas trop vite. Arrogante, sûre d’elle-même, dominatrice, l’Allemagne engrange et récoltera de plus en plus en envie, en rancœur, en ressentiment, en haine ce qu’elle gagne en puissance, en succès et en orgueil.
Combien de temps la Grèce supportera-t-elle sans révolte le traitement de défaveur qui lui est infligé pour son bien par les médecins qui se relaient à son chevet ? Le compte à rebours a commencé à peine clos le sommet de Bruxelles. Le sort qui lui est fait ne saurait nous laisser indifférents. C’est celui qui est réservé aux mauvais élèves de la zone euro. C’est celui qui nous attend demain.
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