L’attentat du 29 octobre dernier survenu à la basilique Notre-Dame de Nice a ajouté un traumatisme à une série de traumatismes cumulés depuis l’attentat meurtrier du 14 juillet 2016 : certains journalistes ont pu employer, au sujet de Nice, le terme de « ville martyre », terme particulièrement adapté à l’ampleur des crimes commis, la tuerie de masse de la promenade des anglais et l’assassinat barbare de trois chrétiens sur leur lieu de culte.

Face à l’ampleur d’un tel désastre collectif, la dimension de l’accompagnement psychologique revêt un caractère d’urgence quasi vitale : parce que les statistiques montrent que pour une victime physique, dix victimes psychiques sont à déplorer.

À Nice, au cours de l’été 2016, ce sont plus de 4.000 personnes en souffrance psychique qui ont été admises à l’hôpital pour une prise en charge psycho-traumatique.

Ces chiffres ne sont pas négligeables, par leur ampleur et, surtout, par leur implication en termes de prise en charge.

Les effets psycho-traumatiques d’un attentat peuvent être plus ou moins immédiats et, s’ils sont pris en charge suffisamment tôt, on peut atténuer le risque de développer un stress post-traumatique, dont les effets sur la santé mentale peuvent être potentiellement délétères.

Le stress post-traumatique ne touche pas que les personnes directement victimes d’un événement traumatique, il peut également toucher des tierces personnes qui ont été témoins, ou dont les proches ont été témoins de ces atrocités et en ont ou non réchappé.

Cette dimension par ricochet a été observée dans la recherche clinique, et entraîné la modification de la description clinique des conditions de développement du SPT.

Un stress post-traumatique non dépisté peut, à terme, envahir totalement le champ mental et la vie de la personne qui en souffre, réduisant progressivement son cadre de vie, ses relations, ses sorties, ses activités. Il est particulièrement sournois en ce sens qu’il s’accompagne, le plus souvent, d’un déni et de stratégies d’évitement qui contribuent en réalité, non pas à résoudre le trouble, mais à le maintenir et l’aggraver.

À terme, les risques pour la personne sont des conduites à risque, des addictions, une violence verbale et physique dans la relation aux proches, une mise en danger de sa propre vie et, dans les cas les plus extrêmes, de déréalisation (lors d’épisodes de reviviscence post-traumatique), de mise en danger de la vie d’autrui par des passages à l’acte. Ainsi, ce vétéran américain qui a, un jour, tenté de fusiller des dizaines de personnes dans une discothèque : il s’est avéré qu’il souffrait d’un SPT issu d’une mission OPEX.

Plus récemment, à l’été 2019, le héros de l’attentat de Nice, qui avait essayé de bloquer le camion, a tenté de mettre fin à ses jours et le RAID a dû intervenir pour le sauver. Pourtant, il avait reçu la Légion d’honneur. Mais qu’est-ce qu’une Légion d’honneur sur un traumatisme profond, non dépisté, non pris en compte pendant ces trois années ?

Il est désormais tenu pour vrai que les psychologues et psychiatres sont obligés de traiter en France, en 2020, des séquelles psychologiques telles qu’on en rencontre habituellement sur des théâtres de guerre. Plusieurs d’entre eux ont dû être remplacés parce qu’ils s’étaient évanouis devant l’horreur des témoignages reçus, suite à l’attentat du 14 juillet 2016.

Parce que la guerre se déploie maintenant chez nous, avec son cortège d’effroi, de meurtres sanglants, de folie aveugle.

Il faudra déployer le plus possible ces médecins de l’âme et les aider à apaiser les souffrances, pour que le terrorisme ne continue pas, telle une bombe à fragmentation, à détruire silencieusement des milliers de vies.

La lutte contre le terrorisme devra aussi passer par là.

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13 novembre 2020 à 13:58

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