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Certes, nombre de redressements fiscaux sont, de longue date, le fait de dénonciations. Procédé un peu craspec, surtout en un pays où jouer les corbeaux nous ramène aux heures les moins lumineuses de notre histoire.

Ainsi, une tradition non écrite voulait que les corbeaux en question puissent être rémunérés par Bercy, mais sans que cela n’apparaisse officiellement dans les livres de comptes de l’État. Discrets virements sur des comptes en Suisse ? Argent liquide versé de la main à la main ? De quoi mériter un autre contrôle fiscal, en bonne logique, soit celle du dénonciateur dénoncé, non ? Cette pratique fut néanmoins abandonnée en 2003 pour manque de « raison de base juridique » : la légalité était donc illégale, ou l’inverse. Comme toujours, le bon exemple vient de haut et c’est généralement par la tête que le poisson pourrit.

Modernité oblige, tout cela va désormais devenir officiel, grâce à un amendement au projet de loi de finances 2017, lequel prévoit "d’autoriser l’administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors qu’elle lui a fourni des renseignements ayant amené la découverte d’un manquement à une obligation fiscale".

Déjà, le vocable d'"indemniser" a de quoi laisser pensif. Être « indemnisé » par son assureur en cas de jambe cassée, logique : voilà qui est censé, à juste titre, réparer un préjudice et permet de récupérer un peu des sous de ses cotisations. Mais l’être juste pour avoir balancé tel ou tel, c’est une tout autre affaire.

Il paraît que ce sont là pratiques courantes dans des nations telles que le Danemark. Rien d’étonnant à cela pour ces pays protestants, tout abandonnés à l’ivresse de la transparence. À Amsterdam, dans les appartements de rez-de-chaussée, les fenêtres sont dépourvues de rideaux et tout un chacun peut donc voir ce qui s’y passe nuit et jour ; éthique protestante, toujours : comme on n’a rien à cacher, on peut donc tout montrer. En nos pays latins, on préfère les persiennes, et pas que pour se protéger de la chaleur, mais seulement parce que la vie privée, justement, a vocation à demeurer privée. Question de mentalité et, surtout, de civilisation.

Dans cette Europe n’ayant plus d’européenne que le nom, on ne s’étonnera donc pas que la majeure partie des lois farfelues qu’on nous impose de force – défense des minorités sexuelles et lutte contre le fromage qui sent fort, pour ne citer que ces dernières – nous viennent des pays nordiques plus haut évoqués.

De manière plus triviale, ce système rapporte gros à l’État, lui ayant assuré, pour cette seule année, l’encaissement de 6,7 milliards d’euros. L’investissement consenti pour engraisser les balances permet donc de toucher trente-six fois la mise, comme à la roulette où le casino, à l’instar de l’État, est immanquablement sûr de rentrer dans ses fonds.

Heureusement, la morale est sauve, cette loi précisant que la rémunération ne sera effective que si le délateur agit de "manière désintéressée et de bonne foi" pour "dénoncer une menace ou un préjudice pour l’intérêt général". Ben tiens…

Certains considéreront ces valeureux lanceurs d’alerte comme de nouveaux héros des temps modernes. Il n’est pas, non plus, saugrenu de n’y voir que de simples indicateurs de basse police. Question de mentalité et de civilisation, disions-nous.

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23 novembre 2016

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