C'est toujours un plaisir, pour un franc-maçon, que de lire des libelles anti-maçonniques et c'est avec une délectation un peu cruelle – cruauté naturelle chez cet adorateur de Lucifer – que le franc-maçon regarde, amusé, certains chantres de l'anti-maçonnisme déverser un festival de sottises qui confine au Guignol.
Un peu de tristesse aussi : le franc-maçon que je suis – et du Grand Orient de France, en plus ! – sait qu'il y a des critiques véritables à formuler sur la franc-maçonnerie mais se désespère de lire un jour une vraie remise en cause, documentée et intelligente, qui porterait le fer dans la plaie. Non, l'anti-maçonnisme demeure idiot, frappe toujours à côté de la plaque, énonce des crétineries que l'inlassable répétition ne saurait transformer en vérité.
Que le statut de la franc-maçonnerie puisse faire débat dans une société démocratique, rien de plus normal, rien de plus souhaitable. À l'heure de la transparence générale, il paraît pour le moins anachronique, voire pervers, que des gens décident de se réunir régulièrement à l'écart du bruit du monde, à l'écart des regards. Si ces gens se cachent, c'est qu'ils ont des choses à cacher, des projets néfastes qui ne doivent pas être connus, des pratiques qui scandaliseraient le voisinage, des turpitudes à dissimuler. Un autre aspect de la question porterait sur la légitimité des francs-maçons, élus par personne, à interférer secrètement dans les évolutions de la société. Nous pourrions trisser sur l'ésotérisme du symbolisme maçonnique, son caractère désuet ou comique, sa vanité à empapaouter les mouches, son arrogance qui laisse entendre que le franc-maçon aborde des sphères de connaissances inaccessibles au péquin moyen. Nous pourrions élever le débat vers la forfanterie d'une quête spirituelle qui ne s'embarrasse pas toujours du divin et qui peut, parfois, se comprendre comme un athéisme frontal contre les religions. Nous pourrions conclure sur l'utilité de la franc-maçonnerie dans une société moderne où les espaces de débats sont nombreux et ouverts, sur les effets néfastes de son influence réelle ou supposée à moins que l'on se mette d'accord, tout bêtement, sur son inutilité.
À cela, le déjà vieux franc-maçon que je suis pourrait tenter de répondre, sans avoir la moindre certitude d'avoir raison sur tout, en étant capable d'entendre les critiques extérieures, voire de m'associer à certaines d'entre elles.
Mais il semble qu'avec l'anti-maçonnisme, on demeure dans le domaine du fantasme, de l'exécration irrationnelle, de l'ignorance crasse soutenue par des témoignages aussi évasifs que « Ce sont des Illuminatis qui dirigent le monde », « On m'a demandé d'en faire partie, j'ai refusé ! », « Je connais des francs-maçons : tous des fripouilles » et autres âneries qui interprètent le symbolisme maçonnique à coup de satanisme, de Nouvel ordre mondial, de réminiscence des templiers et de numérologie de bazar.
Hélas, oui, l'anti-maçonnisme est juste un gag.
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