En quelques heures, l’image a fait le tour du monde : Xavier Broseta, DRH d’Air France, lynché par des manifestants incontrôlables qui lui arrachent ses vêtements, est contraint d’escalader torse nu une clôture, escorté par des agents de sécurité. Dans la foulée, un traitement de faveur similaire est infligé à Pierre Plissonnier, DRH du hub de Roissy. Un désastre pour la réputation de la France, déjà sérieusement ternie sur la scène internationale. Et une très mauvaise publicité pour la compagnie aérienne, qui fut longtemps une fierté hexagonale.
« Si pendant vingt ans les directions de l’entreprise n’avaient pas acheté la paix sociale, on n’en serait pas là », déplore un cadre dirigeant dans les colonnes du Monde. C’est un fait. L’État a autrefois cédé à toutes les exigences de l’entreprise, privatisée en 2004 et dont il ne détient aujourd’hui plus que 16 % du capital. Sauf que les pilotes, viscéralement attachés à un statut très avantageux datant des années 70, n’entendent pas laisser s’envoler leurs privilèges, même pour rebooster une rentabilité sur le déclin, face à la concurrence impitoyable du low cost sur les moyens courriers et des compagnies du Golfe sur les longs courriers.
Chez Air France, un commandant de bord travaille 55 heures par mois (en long courrier) pour un salaire de 17.406 euros. Les pilotes n’ont réalisé que 13 % de gains de productivité sur un objectif fixé de 20 %, tandis que les hôtesses et stewards ont rempli leurs objectifs à 96 % et le personnel au sol à 100 %. Alors que la réglementation européenne prévoit 900 heures de travail par an, les pilotes d’Air France n’en effectuent que 585 sur les moyens courriers (contre 850 chez easyJet) et 685 sur les longs courriers. La direction leur demandait de s’acquitter d’une centaine d’heures supplémentaires, sans augmentation de salaire. Hors de question, a fait savoir le tout-puissant Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), qui reste braqué sur une vision ancestrale d’Air France, du temps de sa splendeur.
« Le climat est devenu irrationnel » et les pilotes « se sentent stigmatisés » par l’opinion publique, confie l’économiste Nicolas Bouzou sur BFM Business. Mais comment admettre, dans la conjoncture actuelle où se débattent huit millions de Français sous le seuil de pauvreté, que des employés royalement rétribués refusent la moindre concession ? Comment accepter l’hermétisme d’une corporation dont la grève, en 2014, avait déjà causé de sérieux dégâts financiers à la compagnie ? Comment éviter la comparaison avec Transavia, la filiale low cost du groupe en forte progression, où les pilotes travaillent 800 heures par an ?
Devant l’entêtement du SNPL qui, paraît-il, ne reflète les positions que d’une minorité des pilotes (un comble !), Air France se voit contraint de dégainer un plan B avec 2.900 suppressions de postes (300 pilotes, 900 hôtesses et stewards, 1.700 personnels au sol), le retrait de 14 avions et la réduction de fréquences de vol sur 22 lignes en 2016. Si aucune restructuration d’envergure n’est mise en chantier, l’entreprise périclitera à terme. Depuis 2000, environ 650 compagnies aériennes ont fait faillite, rappelle l’éditorialiste Emmanuel Lechypre, y compris des mastodontes comme TWA.
Mais une fois de plus, comme c’est hélas souvent le cas en France, une poignée de surexcités décident d’appliquer leurs lois, d’exercer leur tyrannie, sans craindre d’avoir recours à la violence. Triste visage d’une société hystérisée où le débat est sans arrêt confisqué par des communautés, des organisations ou des lobbies, confortés par la lâcheté d’un gouvernement sans charisme et sans cap.
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