Il y a eu celle, ancienne, montée contre François Mitterrand et qui a failli mettre fin à ses ambitions politiques.
Maintenant, il y a celle que Nicolas Sarkozy a suscitée en comparant l'afflux des immigrants en Europe à une fuite d'eau dans un appartement pour pourfendre la proposition contestable et rejetée de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, de répartir l'immigration légale dans différents pays de l'Union européenne.
La gauche s'est immédiatement embrasée en accablant moins les propos de Nicolas Sarkozy que ce dernier, et une partie de la droite s'est émue. Le président de la République s'est plu, à nouveau, à jouer au maître d'école républicain en appelant à la dignité (Le Monde). […]
On n'a jamais pu prendre Nicolas Sarkozy pour un parangon de l'urbanité politique, pour la substance comme pour la forme. Mais il a tout de même le droit, entre l'indécence et la sophistication, de choisir le milieu qui lui convient dans le registre à la fois polémique et pédagogique.
Est-on dans un monde de Bisounours pour considérer que ce qu'il a dit devant des militants est odieux et dépasse les bornes ?
S'il y a "une décomposition de la parole politique" (Le Figaro Vox), elle ne date pas d'aujourd'hui et cette dernière est davantage corrompue par les promesses qu'on ne tient pas et par le mensonge que par le vernis du langage qui n'est pas forcément grossier quand il s'appuie sur la matérialité pour mieux faire mesurer les tragédies de l'immigration et les impasses d'une politique.
Ce n'est évidemment pas que Nicolas Sarkozy prenne les personnes pour des choses et, si sa métaphore est forte et, pour certains, trop rude, sa vocation atteint son but : prendre la quotidienneté dans sa familiarité pour éclairer le malheur insoluble d'un drame collectif mondial. Sans en altérer l'amplitude ni en effacer la détresse. […]
Pour une fois, les mots n'ont pas servi à dissimuler la vérité mais à l'exhiber. Impossible de s'en détourner : l'image est trop légitimement violente et prosaïque pour qu'on néglige ce qu'ostensiblement elle représente.
À partir du moment où Nicolas Sarkozy est demeuré, qu'on l'apprécie ou non, dans un comportement de président de parti et que son langage n'a pas laissé suggérer, par des mots indignes, une humanité indigne mais, par une comparaison sans fard, une immigration malheureuse, je ne vois pas en quoi cette nouvelle affaire des fuites serait légitime.
Il n'est pas nécessaire d'alourdir, par un faux procès, le passif déjà chargé du président des Républicains. Sans qu'en l'espèce il soit coupable de quoi que ce soit.
Il y a trop de pudibonds systématiques à gauche dont le seul souci est de dénoncer la forme parce que le fond les dépasse. Dépassée par le problème, elle le rêve en bon français.
Mon indulgence n'est absolument pas contradictoire avec ma dénonciation du délitement de la langue française. À force de confondre qualité du style et modération de la pensée, on va anesthésier celle-ci.
La liberté d'expression, c'est aussi le droit de faire, en politique, les comparaisons qu'on souhaite dès lors que leur vigueur ne porte atteinte qu'à l'absurdité d'une politique.
Le président de la République devrait plus s'occuper du contenu que du contenant, moins se soucier du vernis et plus de l'action.
Extrait de : Une nouvelle affaire des fuites
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