Il aura donc fallu quatre ans à Emmanuel Macron pour réussir le casse du siècle. Après avoir vidé le coffre-fort électoral de la gauche, en 2017, c’est celui de la droite qui se trouve aujourd’hui pillé.

Ainsi Jean Castex vient-il d’annoncer le retrait de la liste LREM menée par Sophie Cluzel en Provence-Alpes-Côte d’Azur, laissant la place à Renaud Muselier, républicain hautement macrono-compatible et président sortant de cette même région. Très logiquement, Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et chef de file local de LR, en conclut : « Renaud Muselier a fait un choix contre notre famille politique, mais aussi contre l’intérêt général, parce que ce choix va conduire vraisemblablement à l’élection de Thierry Mariani [tête de liste du Rassemblement national, NDLR]. Aujourd’hui, Renaud Muselier n’est plus que la tête de liste d’En marche ! »

De son côté, le principal intéressé remarque, non sans raison : « Hier, ma famille politique me soutenait à l’unanimité, car j’étais le meilleur pour la région. Aujourd’hui, parce que Jean Castex annonce retirer la liste LREM, je suis accusé de trahison ! Comment comprendre cette agressivité, alors que je combats le Rassemblement national ? » Et toujours la même antienne. Chômage de masse ? Submersion migratoire ? Insécurité galopante ? Terrorisme islamiste ? Des broutilles. Le véritable péril ? Marine Le Pen, bien sûr.

Et Éric Ciotti de se lamenter : « Nous ne voulons ni d’une victoire de Marine Le Pen, ni d’une victoire d’Emmanuel Macron », tel qu’affirmé à Europe 1. Bref, les Républicains sont dans l’impasse. De deux choses l’une : ou, en région PACA, ils ne présentent pas de liste et donnent raison à Renaud Muselier, se tuant politiquement au passage ; ou ils en lancent une liste 100 % LR et seront accusés de faire le jeu du RN, ce qui vaut, là, mort médiatique. D’où cette question : à quoi les Républicains peuvent-ils encore bien servir aujourd’hui ?

En effet, cité par Le Figaro, Sébastien Séjourné, conseiller politique à l’Élysée, a beau jeu de prétendre : « La vraie droite est déjà au pouvoir […] Regardez Jean Castex à Matignon, Gérald Darmanin à Beauvau, Bruno Le Maire à Bercy… Ajoutez-y Roselyne Bachelot à la Culture, Sébastien Lecornu à l’Outre-mer, Franck Riester au Commerce extérieur ou encore Édouard Philippe… Et même, d’une certaine manière, Jean-Michel Blanquer à l’Éducation nationale. » D’aucuns prétendront que ces gens n’ont rien à voir avec « la vraie droite ». Il leur sera aisément rétorqué qu’il n’existe ni de « vraie » ni de « fausse » droite ; mais seulement ces trois droites jadis répertoriées par le politologue René Rémond : l’orléaniste, la légitimiste et la bonapartiste.

La première, droite d’affaires, est effectivement surreprésentée au gouvernement ; c’est la victoire posthume de Valéry Giscard d’Estaing. La seconde, d’obédiences royaliste et catholique, est désormais résiduelle. Quant à la troisième, elle se nommait naguère RPR, avant que son héritage ne soit repris par le Front national perpétuant ce populisme lui permettant d’agréger les électorats populaires de droite et de gauche, tel que le fait Emmanuel Macron avec les électeurs bourgeois de gauche et de droite ; d’où son assise électorale des plus limitées.

Dans cette configuration nouvelle, LR ne peut donc plus que faire office de force d’appoint, tel un nouveau CNI, autrefois l’un des premiers partis de France et, depuis, ravalé au rang de groupuscule. Ce qui, post-mortem, donne raison à Charles Pasqua qui assurait que faute d’alliance immédiate entre le FN et le RPR, le premier tuerait le second à plus ou moins long terme. Nous y sommes. LREM peut-elle pavoiser pour autant ? Ce n’est pas l’avis de Nadine Morano : « La République en marche est un parti fantôme, incapable de présenter une liste en région Sud. Pour se sauver d’une débâcle assurée, il vient se raccrocher à nous, mais nous entraînera dans les abîmes. Renaud Muselier est tombé dans un piège. »

La fin d’un monde ?

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03 mai 2021 à 18:07

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