À force qu’on le prenne pour un imbécile, le peuple finit par devenir intelligent !

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Le mouvement des gilets jaunes - c’est l’un de ses aspects intéressants, et non des moindres - a fait soudain resurgir toute la force de la sagesse populaire, telle qu’on peut la goûter dans les contes ou les fables, comme celles de La Fontaine, et que nos technocrates des ministères, nos énarques, journalistes et autres intellectuels engagés de la télévision ou notre petit monde de la culture et du cinéma écrasent de leur mépris depuis des décennies.

Car soudain, la caste médiatique qui monopolisait le savoir s’est retrouvée contrainte de donner un peu la parole directement au peuple, et même si les experts en tous genres, les journalistes et les spécialistes de l’entre-soi viennent toujours sur les plateaux débiter leurs rengaines et leurs fadaises savantes, il faut bien tendre aussi les micros à ceux qui font l’événement qu’on commente, et ces manifestants en gilets jaunes des ronds-points, ces "fumeurs de clopes qui roulent au diesel", nous font entendre une voix depuis longtemps oubliée : la voix du peuple.

Vox populi, vox Dei - voix du peuple, voix de dieu -, disaient les latins, et c’est vrai que l’on entend, depuis trois semaines, sur les écrans, de nouveaux discours, des déclarations simples et percutantes, frappées au coin du bons sens, et comme on voudrait en entendre beaucoup plus souvent, une vérité qui démonte en quelques mots le ronron médiatique et le murmure autorisé entretenu depuis trente ans et plus. Et, certes, ministres et députés de La République en marche se succèdent à longueur de journée sur les plateaux pour nous continuer ce ronron, et qu’on ne l’oublie pas, montrant ainsi encore plus le contraste ou le contrepoint musical qu’il représente. Mais jaillissent ensuite avec d’autant plus de force, sur cette sorte de basse continue télévisuelle, le chant réjouissant, la mélodie radieuse du bon sens populaire, de sa vérité et de son intelligence indéfectible, solide comme un roc, rocailleuse et colossale comme un Jean Lassalle, ténor pyrénéen bien connu.

Ainsi, en ce lundi matin précédant le discours présidentiel, j’entendais un manifestant des ronds-points donner son avis sur le discours de 20 heures d’Emmanuel Macron et, avant-même qu’il ne l’ait prononcé, cet homme affirmait qu’une fois de plus, le Président parlerait pour ne rien dire et annoncerait la distribution de petites miettes.

Comment nier qu’il disait là, avec une ironie toute spontanée, l’une de ces simples et belles vérités qu’il ne faut pas dire ? Cette vérité que notre pseudo-élite, cette petite caste confite dans son bien-être mondialiste et ses privilèges, a depuis longtemps occultée, une vérité qui ressemble un peu à celle que les aristocrates de 1789, eux aussi confits dans leur petit monde et leurs privilèges, ne voulaient ni voir ni entendre. Mais, soudain, tous ces gens qu’ils prenaient pour des gueux se sont révélés capables de renverser un roi et de fonder une république. Et combien de talents qui seraient restés étouffés ont surgi de ce bouleversement !

Oui, à force d’être méprisé et qu’on le prenne pour un imbécile, le peuple finit, étrangement, par devenir intelligent, au point de chasser ses gouvernants et de se gouverner lui-même !

Jean-Pierre Pélaez
Jean-Pierre Pélaez
Auteur dramatique

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