600 personnes à un enterrement : pour le maire, il ne faut pas « en faire un fromage »

CIMETIERE

Le vendredi 15 mai, 600 personnes rendaient un dernier hommage, au cimetière Nord de Compiègne, à Souleymane Traoré, un joueur de football bien connu dans la région, victime d'une crise cardiaque. Vous avez bien lu : 600 personnes ! Sa famille avait demandé une dérogation pour ses obsèques, mais le maire, Philippe Marini, l'avait refusée. « Je leur ai dit que c’était interdit. Mais, on ne va pas faire venir l’armée, tout de même. Et je n’allais pas y aller tout seul avec mes petits bras pour leur dire de partir », confie-t-il au Parisien. Avant d'ajouter : « Ce n’est pas la peine d’en faire un fromage ! »

La formule peut, en la circonstance, paraître inappropriée. Surtout qu'une règle, quand elle a été édictée, doit être respectée. Faute de quoi, c'est l'autorité de ceux qui l'ont instaurée qui est bafouée. Vous me direz, ce n'est pas la première fois ! N'empêche, le nombre maximal de personnes pouvant assister à des cérémonies funéraires est fixé à vingt. Il faut bien se soumettre à la loi, fût-elle stupide, ou demander qu'on la change. Mais, dans cette affaire, il ne faut pas trop en vouloir au maire de Compiègne. Quand on sait que la préfecture s'est contentée de rappeler la limite de vingt personnes, on ne va pas reprocher au maire de n'être pas monté en première ligne.

Certes, on a connu un Philippe Marini plus courageux. Ce n'est pas dans ses habitudes de baisser les bras ! Pour affronter, en 2014, Gérard Larcher et Jean-Pierre Raffarin dans la compétition pour la présidence du Sénat, il fallait en avoir dans le pantalon. Son commentaire maladroit peut néanmoins choquer les familles qui, respectueuses de la réglementation, n'ont pu rendre hommage à leurs proches et ont dû les inhumer, comme on dit, « dans la plus stricte intimité ».

On se demande, pourtant, s'il n'y aurait pas deux poids deux mesures. D'autant plus que c'est la deuxième fois, en une semaine, qu'un regroupement enfreignant les « mesures barrières » a lieu dans ce cimetière. Une centaine de personnes s'y étaient déjà réunies pour l'enterrement d'un homme issu de la communauté des gens du voyage. Cette fois, le maire n'avait pas été prévenu. De mauvaises langues s'interrogent : pourquoi les fans de Souleymane Traoré ou les gens du voyage ont-ils droit à ce traitement d'exception ? Seraient-ils des privilégiés ?

On ne peut soupçonner Philippe Marini de quelque préoccupation électorale : il a été réélu, dès le premier tour, avec 57,85 % des votes. Il a expliqué son attitude par la « volonté de ne pas provoquer et de respecter la douleur des gens ». Grâce lui en soit rendue, mais d'autres familles ont souffert de ne pouvoir honorer leurs morts. Beaucoup de ses administrés auraient, sans doute, préféré qu'il dénonçât une décision aberrante du gouvernement quand des solutions plus mesurées pouvaient être trouvées. Les véritables responsables, ce sont les autorités qui ont inventé ce système, au lieu de permettre des rassemblements familiaux, dans le respect des mesures de protection.

C'est trop vous demander, Monsieur Castaner, de faire preuve d'un peu d'humanité ? Il est facile de montrer ses muscles devant le peuple – et de se dégonfler au moindre risque. Nos dirigeants devraient réfléchir à deux fois avant d'imposer des contraintes absurdes. Mais quand on a passé son temps à jouer les pères fouettards pour occulter ses propres défaillances, il est difficile de rompre avec ses habitudes et de se laisser guider par un brin de bon sens.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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