Le film d'Alexandre Arcady 24 jours, sur l'enlèvement, la séquestration et l'assassinat d'Ilan Halimi par Youssouf Fofana et sa bande, est tout à fait estimable même s'il n'est pas un chef-d'œuvre. [...]
Le parti pris choisi n'est pas absurde car en adaptant le livre de Ruth Halimi (la mère d'Ilan Halimi), il rend vaine la discussion sur l'objectivité de la relation, la fiabilité de l'analyse sur la police et, plus globalement, sur les ressorts de cette équipe criminelle. Sous l'autorité jamais contestée de Fofana sauf à la fin, quand celui-ci, confronté à l'échec et mis en cause, va seul tuer Ilan dans les conditions ignobles que l'on sait.
La manière dont le film a été promu a évidemment mis l'accent sur la sensibilité, le cœur, l'horreur, l'abjection de l'antisémitisme. Je ne suis pas persuadé que, sur ce plan pédagogique qui aurait voulu constituer cette représentation comme un avertissement solennel - plus jamais ça ! –, l'effet soit atteint.
Non que le spectateur demeure étranger à ce qui se déroule et se commet sous ses yeux et qu'il ne s'abandonne pas à une émotion de tous les instants - précisément parce qu'il connaît déjà l'issue tragique –, mais l'humaniste n'apprendra rien, pour sa conscience, qu'il ne sache déjà et l'antisémite continuera à se réjouir. Quant à la masse indifférenciée du public, je ne crois pas que ce film, au-delà de l'indignation de ces 110 minutes, va la faire basculer systématiquement dans le camp de la morale. [...]
Quand Claude Lanzmann critiquait le splendide film de Steven Spielberg La Liste de Schindler, en affirmant que la Shoah ne pouvait pas, ne devait pas être montrée, je n'avais pas approuvé cette opinion péremptoire. En regardant 24 jours, j'ai pourtant perçu la vérité qui ne m'avait pas frappé alors. La fiction même extraite d'un réel brûlant, étouffant, horrible, donne à la tragédie brute des couleurs forcément spectaculaires avec ce que ce concept implique de stimulant et à la fois de négatif.
Alexandre Arcady, tout de même, doit être salué pour cette œuvre. Elle pouvait engendrer du larmoyant vulgaire ou de la thèse unilatérale. Il a échappé, avec sa scénariste, à ces écueils et j'ai en particulier apprécié le regard critique mais non malveillant porté sur la déconfiture policière. La police appliquait à un malade et à un délirant une stratégie classique qui avait, certes, fait ses preuves, mais qui était, en l'espèce, inadaptée.
Avocat général lors du premier procès, exemplaire tant grâce à sa présidente et à son jury que par les peines et les exonérations prononcées, il me plaît, pour compléter l'information des spectateurs du film, de rendre hommage au livre de Gilles Antonowicz L'Affaire Halimi (Éd. Nicolas Eybalin). Il répond à toutes les questions, démolit les idées fausses et, avec une parfaite honnêteté, scrute et analyse les noirceurs et les mystères de cette épouvantable affaire. [...]
Extrait de : 24 jours en 110 minutes...
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