Le Sénat a adopté, jeudi 21 janvier, une proposition de loi visant à fixer un âge en dessous duquel un enfant serait susceptible de ne pas être consentant à un acte sexuel avec un adulte. Cet âge, de façon plutôt surprenante, a été fixé à 13 ans. Le texte prévoit également d’allonger le délai de prescription pour non-dénonciation de violences sexuelles sur un mineur. Au regard des délais entre les actes subis et leur dénonciation, la victime bénéficiera d’un délai de dix ans pour porter plainte après sa majorité en cas de délit, et à vingt ans en cas de crime sexuel.

Ce vote a été présenté comme une avancée majeure, comme un « socle sociétal », en pénalisant l’interdit de l’acte sexuel entre un majeur et un mineur de moins de 13 ans. La législation, à ce jour, apparentait ces actes à des délits et non à des crimes sexuels, ce qui sera le cas avec cette nouvelle loi. Alors, certes, passer du délit au crime est symboliquement fort et on ne peut qu’applaudir.

Cependant, comment concevoir que cet âge ne corresponde pas à celui de la majorité sexuelle, fixée à 15 ans ?

En effet, cette loi, présentée sous le jour du progrès dans la protection contre les prédateurs sexuels, n’en constitue pas moins une régression au regard du seuil actuel de la majorité sexuelle et pourrait s’apparenter à un affaiblissement du droit des mineurs de 13 à 15 ans.

Il n’est pas besoin d’être un grand psychologue pour mesurer l’immaturité d’un adolescent de 14 ans, au regard de son développement, quand bien même la généralisation du porno viendrait donner l’illusion factice de la connaissance de la sexualité et surtout de ses enjeux affectifs.

Souvenons-nous de nos 14 ans. Aurions-nous été alors en mesure de consentir à un acte sexuel avec un adulte ? Qu’aurions-nous fait si la loi elle-même ne pouvait nous protéger contre les prédateurs sexuels ?

Nous n’aurions pas pu démontrer que nous n’étions pas consentants, et ce, même si, par peur, sous l’effet d’un abus de pouvoir, nous avions cédé à de telles avances. La loi ne peut s’exonérer d’une réflexion sur les enjeux psychologiques liés à l’emprise, phénomène encore largement sous-estimé, mais qui se trouve pourtant au cœur de toutes les situations d’abus.

Un autre fait suscite notre incompréhension : comment, face aux scandales de la pédophilie et de l’inceste, accepter que ne soit pas inscrite dans ce projet de loi l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs ? Trop de prédateurs parviennent à passer au travers des mailles du filet, au regard de la législation actuelle. Ceci est en partie lié au fait que la législation ne tient pas compte de la temporalité psychique d’un traumatisme.

Or, on ne peut pas continuer plus longtemps à l’ignorer. La psychologie n’est pas linéaire, la victime vivant souvent une longue période d’amnésie post-traumatique après un abus.

Ce fait se démontre tous les jours : les secrets de famille ne sortent que dix, vingt ou trente ans après avoir été vécus. On le voit bien aujourd’hui avec l’affaire Olivier Duhamel.

Il semble absolument nécessaire d’intégrer à l’étude des crimes sexuels et de l’âge du consentement légal la dimension de la vulnérabilité et des mécanismes d’emprise, mais également celle des spécificités du stress post-traumatique.

5800 vues

24 janvier 2021 à 11:27

Pas encore abonné à La Quotidienne de BV ?

Abonnez-vous en quelques secondes ! Vous recevrez chaque matin par email les articles d'actualité de Boulevard Voltaire.

Vous pourrez vous désabonner à tout moment. C'est parti !

Je m'inscris gratuitement

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.