Banal coup de com' de l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris, son patron Martin Hirsch annonce le renforcement de la vidéosurveillance, avec 40 % de caméras supplémentaires, soit plus de 1.500 au total, installées dans "la plupart" des hôpitaux parisiens d'ici trois ans. Un investissement de 30 millions d'euros, "l'équivalent d'un petit bâtiment". Il fallait bien ça pour tenter de calmer un personnel hospitalier plus que remonté depuis quelque temps. Il est douteux que cela suffise…

À vrai dire, ce type d'installation est déjà implanté depuis des années, surtout dans les établissements "in partibus infidelium" de la périphérie de la capitale où, en plus, vigiles et maîtres chiens doivent patrouiller quotidiennement, surtout autour des urgences. "Depuis quelques années, il est à la mode de se focaliser sur la religion dans les hôpitaux, alors que l'incivilité y est un problème bien plus important", assure l'ancien haut-commissaire aux Solidarités actives, qui ne voit évidemment aucun lien entre les deux.

Certes, l'afflux de patients urgents (réels ou supposés) engendrant une longue attente alors qu'il y a souffrance physique de soi-même ou d'un proche ne favorise pas la sérénité des lieux. Mais ça n'explique pas tout. Chez certains, une culture du "J'ai droit à", et gratuitement, amène à se comporter en consommateur agressif et à s'affranchir de la norme de respect des soignants qui avait cours depuis le Moyen Âge occidental.

Quant à l'annonce de "l'âne Martin" de multiplier dans les hôpitaux les affichages (multilingues ?) rappelant qu'une injure envers un professionnel de santé est passible de six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende, elle fait franchement sourire. Il serait, d'ailleurs, intéressant de savoir combien de fois ce type de peine a été prononcé sur les 3.282 "événements indésirables" l'an dernier.

Et les conséquences de l'affaire Naomi Musenga explosent déjà. Trois assistantes de régulation médicale de l'hôpital de Strasbourg, qui n'y sont pour rien, subissent depuis un déchaînement de violence et de messages haineux. Twitter a, en effet, diffusé leurs adresses postales et téléphoniques et, même, pour l'une, la photo d'un de ses enfants, la forçant à déménager en urgence et à déscolariser sa progéniture !

Sur un site réservé aux médecins, un confrère se confie :

"J'aime les gens, et si je suis urgentiste, c'est pour aider les personnes qui en ont le plus besoin, qui sont vraiment malades. Mais la régulation, c'est la seule partie de mon travail que je déteste, qui me fait haïr les gens, qui me donne envie de les houspiller, de les insulter, de les mépriser, qui me rend suspicieux du mensonge des gens à chaque appel... Et je finis misanthrope pendant 24 h après une garde au centre 15. Est-ce que c'est normal ?"

Et il explique :

"Ils simulent des difficultés respiratoires, ils vous disent que leur proche est inconscient, juste pour avoir une ambulance en croyant passer plus vite une fois arrivé aux urgences... Ils vous parlent de douleur thoracique et de malaise, et quand l'équipe arrive, c'est juste une gastro mais ils ne voulaient pas aller voir le médecin traitant… Ils vous disent que la personne ne peut pas bouger, qu'ils n'ont pas de voiture, et quand l'ambulance arrive, ils attendent debout dehors valise à la main à côté de... la voiture ! Et trois voitures de proches suivent l'ambulance... Alors, au téléphone, vous faites le tri comment, dites-moi, si on vous ment tout le temps ? Vous l'envoyez à qui, la seule ambulance de garde du secteur ?"

On sait que, depuis plusieurs années, l'accès à un généraliste proche est devenu problématique, tant la profession est devenue décourageante. Désormais, il est à craindre que les systèmes d'urgences ne suivent rapidement la même pente. Un signe de plus de notre "dé-civilisation".

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17 mai 2018 à 17:36

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