Yvette Horner, la reine du musette et des amoureux de la petite reine…

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« Non je ne me souviens plus/Du nom du bal perdu », chantait jadis Bourvil. Nous serons nombreux, en revanche, à nous rappeler celui de la reine des bals populaires, Yvette Horner, qui vient de nous quitter dans sa quatre-vingt-quinzième année. Yvette Horner ? Un véritable monument national à elle seule, sorte de madone de l’accordéon, ce fameux « piano à bretelles », aussi surnommé « piano du pauvre ».

Née à Tarbes en 1922, c’est au conservatoire de Toulouse qu’elle apprend à s’échiner sur son instrument. Pour jouer du musette, bien sûr, mais aussi du Bach, du Beethoven et du Chopin. À n’en point douter, ces trois-là auraient adoré !

En 1948, elle est la première femme à gagner la Coupe du monde d’accordéon. Deux ans plus tard, elle reçoit le Grand prix de l’académie Charles-Cros pour un premier disque, Le jardin secret d’Yvette Horner. Ce ne sera pas le dernier, puisque plus d’une centaine d’autres suivront, vendus en tout à trente millions d’exemplaires dans le monde. Ajoutez plus de deux mille concerts et l’on comprend mieux pourquoi son agent déclare, aujourd’hui :« Elle n’était pas malade. Elle est morte des suites d’une vie bien remplie. »

Yvette Horner, c’était aussi la femme d’un seul homme, son mari, René Droesch, rencontré en 1936. Elle n’affiche alors que quatorze printemps, mais déjà la bouille qui la rendra célèbre, les mêmes cheveux flamboyants et son inimitable gouaille des faubourgs. René Droesch, lui, est footballeur professionnel et exerce ses talents chez les Girondins de Bordeaux, mais abandonne tôt sa carrière pour s’occuper des intérêts de l’élue de son cœur, avant que le sien ne cesse de battre en 1986. Elle ne se remariera jamais.

Yvette Horner connaîtra pourtant une autre grande histoire d’amour, celle qui la lie à jamais au Tour de France ; logique, s’agissant de l’idylle jamais démentie entre reine des bals populaires et petite reine… En 1952, elle fait partie intégrante du spectacle, juchée sur le camion sponsorisé par Calor, marque d’électro-ménager. Elle joue tout au long des étapes et remet ça le soir, jusqu’au bout de la nuit le plus souvent, avant de recommencer le lendemain, dès potron-minet. Bref, les champions passent ; elle, non.

Bien sûr, ses tenues extravagantes pouvaient prêter à sourire. Mais Yvette Horner n’ayant jamais vraiment été à la mode, voilà au moins qui lui permit d’éviter de se démoder. Mieux : elle était estimée de ses confrères en musique, que ce soit Marcel Azzola, autre accordéoniste, ou le chorégraphe Maurice Béjart, qui lui fait interpréter le Casse-noisettes de Tchaïkovski, au théâtre du Châtelet, en 1999. Elle s’exporte même à l’étranger, à Nashville, la capitale américaine de la country music, où elle enregistre un album avec Charlie McCoy, le maître incontesté de l’harmonica et collaborateur régulier de notre Eddy Mitchell national.

Après un ultime concert donné en 2011, Yvette Horner sort un dernier disque, un an plus tard, Hors norme, à l’occasion duquel viennent la rejoindre des artistes aussi divers que la chanteuse Lio et le violoniste Didier Lockwood, élève de l’immense Stéphane Grappelli.

On notera encore que cette grande dame a choisi de tirer sa révérence quelques jours avant le départ de sa chère Grande Boucle. Elle aura décidément été professionnelle jusqu’à la fin.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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