Yann Moix : « Stéphane Bern est un mort-vivant »…

Si Yann Moix n’était pas là, notre existence serait bien morne. Chez Laurent Ruquier, il avait déjà joué le sous-préfet en ces champs où ne pousse pas que de la luzerne. Chez Thierry Ardisson, il semble être passé à des substances plus roboratives, telle qu’en témoigne sa très stratosphérique saillie contre un Stéphane Bern qui n’en demandait sûrement pas tant.

Extraits choisis :

D’abord : « Aujourd’hui, l’obsession de Stéphane Bern, c’est de sauvegarder les vieilles pierres, alors que, regardez le problème des migrants, il y a des jeunes vies qui meurent, mais on préfère sauver les vieilles pierres. » Vieille pierre toi-même !

Ensuite : « Plutôt que de s’obséder sur les vieilles chapelles, allez voir ce qui se passe porte de la Chapelle, où des exilés sont en train de crever. » Sûrement moins vite que toi, qui t’empiffres de champagne et de petits fours chez C8, aux frais de Vincent Bolloré, pas précisément l’homme le plus à gauche du PAF !

Pour finir : « Ce que je dirais, c’est que Stéphane Bern est un mort-vivant, d’où l’expression, d’ailleurs "être en berne", alors que les migrants, eux, sont des vivants en train de mourir. » Nonobstant la triste blagounette à connotation sexuelle, t’as raison mon colon ; sachant qu’on n’a jamais vu un mourant en train de renaître, sauf dans les Saints Évangiles et chez Harry Potter !

Ainsi, quoi de mieux qu’une buse pour faire le buzz ? Pour autant, attention… Clasher sur les réseaux sociaux, voilà qui peut aussi amener celui ayant versé le premier sang à se prendre, en retour, deux ou trois torgnoles en plein dans sa face.

Ainsi :

D’abord. Stigmatiser cet infortuné Stéphane Bern peut conduire à au moins deux condamnations majeures, en ces temps de libéralisme avancé : homophobie et judéophobie.

Ensuite. Alors qu’on promet à la France une muséification prochaine – suivant en cela les projets touristiques de l’URSS de Lénine, de la Commission européenne, tout en passant par ceux de l’Allemagne du docteur Goebbels –, que restera-t-il de notre chez nous, hormis des paysages enchanteurs à visiter et des autochtones avec lesquels fraterniser contre un peu de verroterie ? Des migrants, tout simplement, à en croire Yann Moix : réfugiés de guerre ou réfugiés économiques, climatiques. Et bientôt allergiques au gluten, tant qu’à faire ?

Pour finir : Yann Moix, non sans quelques légitimes raisons, milite contre cette même « muséification » de notre vieux pays. Pourtant, voilà qui ne l’a pas empêché de jouer son petit Stéphane Bern, quant à la sanctuarisation de son Panthéon personnel à lui, rien qu’à lui. Soit celui de la variété française des années soixante-dix. Ce qui a donné un fort joli livre, Podium, et, ce faisant, un film éponyme, par ailleurs autant réussi que flamboyant, et relatif à la chanson pop à chanteuses et chanteurs dont les permanentes semblaient avoir été façonnées au taille-haies et le maquillage défait au ciseau à bois. Fort bien. Il en faut pour tout le monde.

Mais, aux éternels mauvais coucheurs que nous sommes, qu’il nous soit au moins permis de rappeler que, de la sauvegarde des châteaux de François 1er à celle du patrimoine de Claude François, il soit malgré tout permis de barguigner. On pourra aussi avancer que l’héritage de saint Louis n’a rien à envier à celui de Soldat Louis, groupe breton de Lorient, dont la postérité ne devrait finalement retenir que ce titre : "Du rhum et des femmes", chanson fort sympathique au demeurant ; mais qui, aujourd’hui, présente tous des atours nécessaires pour s’attirer les foudres d’une Christine Angot, chaisière ayant naguère joué les utilités auprès du même Yann Moix, chez le même Laurent Ruquier.

Bref, dans le registre avant-gardiste, on a déjà connu plus frais que notre imprécateur du moment. Stéphane Bern, comme Loránt Deutsch, autre thuriféraire même pas français de notre patrimoine commun, un « mort-vivant » ? Peut-être.

Mais toi, gentil Yann Moix, qui es-tu, pour cracher sur la terre, les tombeaux, les souffrances, les guerres endurées par tes ancêtres, long cortège d’horreurs sans lesquelles tu ne serais rien ? Alors, ce seul conseil, adorable Yann Moix, petit bouchon tout fripé par les horreurs de ce vaste monde : fais-nous une suite sur grand écran de cet acmé artistique que fut pour toi ce Podium embelli par la présence magique de l’immense Benoît Poolwoerde.

Un film sur Peter et Sloane ou les Rubettes, par exemple ?

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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