« Il y a une erreur congénitale dans la stratégie d’entrisme de Sens commun »

Guillaume Bernard analyse la polémique Sens commun. Pour lui, il y a, à la base, une erreur de compréhension des forces politiques et de leur capacité à broyer les meilleures volontés. Il compare Sens commun aux trotskistes passés au PS, devenus des sociaux-démocrates. Cette chute, pense-t-il, était prévisible.

Guillaume Bernard, Sens commun est dans la tourmente après les déclarations-choc de son patron Christophe Billan qui a entrouvert une porte à Marion Maréchal-Le Pen à tel point que le mouvement s'est fait lâcher aujourd'hui par plusieurs cadres dont Laurent Wauquier et Bruno Retailleau.
La chute de Sens commun était-elle prévisible ?

Oui, je crois qu'il y a avait une erreur congénitale dans la stratégie de Sens commun.
Quand on fait de l'entrisme, on sait bien que si vous ne prenez pas le pouvoir dans l'organisation dans laquelle vous vous investissez, c'est l'organisation qui finit par vous broyer.
Pensons aux trotskistes qui étaient allés au Parti socialiste, parce qu'ils ne pouvaient pas aller au PC. Ils sont devenus des sociaux-démocrates.
Dans la stratégie de l'entrisme, il y avait déjà une erreur de compréhension des forces politiques et de leur capacité à broyer les meilleures volontés du monde.

La raison est-elle vraiment Marion, ou y en a-t-il d'autres, plus enfouies et moins évidentes ?

Je crois qu'il faut rappeler que le début de cette affaire ressemble à une tempête dans un verre d'eau.
Rappelons que chez les militants et les sympathisants de Sens commun, il y a un certain nombre de gens à la base qui sont favorables à des convergences et des alliances avec le Front national.
Pour autant, je rappelle qu'au départ ici Christophe Billan déclare qu'il n'est pas fermé à trouver des convergences avec des personnes qui partagent un certain nombre d'idées.
Il n'a pas parlé de discussion ou d'alliances électorales.

A partir de là, cette tempête dans un verre d'eau est devenue une affaire assez importante. La situation est assez révélatrice de ce que le spectre politique est dans une situation extrêmement grave, d'une décomposition et d'une perte de visibilité tout à fait réelle.

Il y a deux catégories de personnes qui aujourd'hui attaquent et clouent au pilori Sens commun.
Il y a bien sûr ceux qui sont à droite, mais qui ne sont pas de droite. Ils ne supportent donc pas qu'on aborde un certain nombre de thèmes importants comme l'Etat, la souverainement et la sécurité.

Il y a aussi des personnes convaincues dans leur for intérieur d'être de droite et qui ont lâché Sens commun. Ils lancent presque un anathème contre eux. C'est significatif qu'ils soient encore dans les petites stratégies partisanes. On a l'impression que certaines personnes espèrent renouveler la stratégie Buisson, la ligne Buisson de 2007 qui avait fonctionné pour Nicolas Sarkozy. Or, les choses ont complètement changé.
Ils pensent que parce que Marine Le Pen a déçu, ce qui est incontestable, LR va pouvoir de nouveau ramasser la mise, raison pour laquelle il faut maintenir le cordon sanitaire avec le Front national.
Les proximités partisanes, les votes aux élections présidentielles démontrent à l'évidence qu'il y a une volonté d'une grande partie de la base d'établir des convergences et de mettre en exergue les proximités idéologiques dans une unité programmatique.

On a le sentiment que les partis politiques, que ce soit LR ou le Front national, restent dans leur stratégie et leur petits intérêt d'organisation et n'oeuvrent pas pour le bien du pays pour recomposer pour décloisonner et pour opposer une véritablement force politique de droite face à la grande coalition libérale d'Emmanuel Macron.

Quel avenir pour sens commun ?

Je crois qu'ils sont devant une alternative.
Soit ils acceptent de se coucher et de rester dans LR. Ils acceptent alors d'être dissouts dans LR au prix de ne pas avoir de singularité et de ne pas pouvoir tenir un discours un peu spécifique.
Soit ils quittent LR et envisagent des rapprochements avec d'autres organisations
On pense évidemment au PCD.
Sens commun, qui avait lâché d'une certaine manière la candidature de Jean-Frédéric Poisson lors des primaires de la droite, aurait peut être du mal à le faire à nouveau. Mais je crois qu'en politique, il faut savoir passer l'éponge et oublier les choses.

Une convergence de Sens commun avec le PCD serait incontestablement souhaitée par toute une partie de l'électorat et de l'opinion publique de droite.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 14/10/2017 à 17:49.
Guillaume Bernard
Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) de l’ICES

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