Le XVIII brumaire des centristes

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Au terme d’un long suspense, qui n’aura trompé que les moins attentifs, Emmanuel Macron a nommé son nouveau Premier ministre. Il s’agit d’Édouard Philippe, maire du Havre et député de la septième circonscription de Seine-Maritime. Membre fondateur de l’UMP, le Normand a d’abord été un soutien de Michel Rocard lors de ses années étudiantes, avant de rapidement rallier Alain Juppé, auprès duquel il a collaboré au ministère de l’Écologie, avant de rejoindre la direction des affaires publiques d’Areva. Au mois de mars dernier, aux côtés de Benoist Apparu, il quittait l’équipe de campagne de François Fillon, frappé par les affaires. Il vient maintenant renforcer l’entourage d’Emmanuel Macron, principalement composé d’énarques centristes.

Son ami intime Gilles Boyer, ancien directeur de campagne d’Alain Juppé durant l’élection primaire de la droite et du centre, s’est ouvertement félicité de ce choix, affirmant : "Emmanuel Macron a placé son élection sous le signe de l'audace, expliquez-moi pourquoi il cesserait d'être audacieux au moment précis où il vient d'être élu." De l’audace ? J’y vois plutôt un coup politique rondement mené, montrant toute l’intelligence stratégique d’Emmanuel Macron. Après avoir kidnappé la gauche par le centre, ou l’inverse, il essaye désormais de détruire la droite dite de gouvernement. Quoi de plus logique après que ses principaux cadres se sont mis à plat ventre devant lui, dès la divulgation des résultats du premier tour de l’élection présidentielle ?

L'histoire vendue par les médias autour des débats ouverts entre Angela Merkel et Emmanuel Macron, chacun d’entre eux incarnant, dans leurs pays respectifs, les rôles du bon ou du mauvais flic, montre un pouvoir attentif aux variations de l’opinion et peu décidé à commettre les erreurs des cinq dernières années, sachant parfaitement brouiller les cartes pour tromper les Français… Nous ne nous y trompons pas : Emmanuel Macron continuera, à la virgule près, la politique de François Hollande. Néanmoins, il saura immédiatement s’en différencier parce qu’il n’expliquera pas ses réformes de la même façon, maîtrisant à la perfection l’art très anglo-saxon du "storytelling".

Son mariage avec un technocrate discret de la droite française contribuera à donner d’Emmanuel Macron l’image d’un homme neuf, détaché des vieux clivages partisans. Oh, si vous et moi savons bien que ce n’est que de la "poudre de perlimpinpin", de l’écume politico-médiatique, la majorité des Français n’y verront pourtant que du feu. Oubliées, les déclarations d’Édouard Philippe qui, lors de ses quelques mois d’éditorialiste chez Libé, écrivait pis que pendre sur Emmanuel Macron ; le dépeignant en candidat des médias, peu expérimenté et lesté d’un bilan ministériel insatisfaisant (ce qui était vrai, la loi Macron ayant de nombreux défauts de conception). Place à l’union du centre mou, à défaut d’une union des droites semblant inatteignable.

Emmanuel Macron est donc l’homme providentiel des centristes, des partisans du libre-échange commercial et humain mondialisé et de tout ce que la France compte de bien-pensants. Plus Bonaparte que général Boulanger, il aura réussi le 18 brumaire du zentrum. À nous de nous organiser pour répondre à ce qui s’apparente à une captation totale du pouvoir. L’opposition doit exister face à cette coalition inédite sous la Ve République. Une chose devrait nous rassurer : les cycles politiques sont de plus en plus courts…

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