Vous voulez aider les jeunes ? Offrez-leur la réussite au mérite. C’est cela, la justice !

Après la fondation Abbé-Pierre et ses chiffres du mal-logement, l’INSEE publiait, mercredi, ses données sur le logement tout court. Très court. On y apprend que "près d’un jeune adulte sur deux vit chez ses parents". Ce qui veut à la fois tout et ne rien dire – et rend contestable le titre du Parisien sur la "Génération Tanguy" – car, une fois de plus, on jette pêle-mêle dans la gueule des statistiques les saucisses, les carottes et les smartphones.

Voyons d’abord les chiffres :

46 % des jeunes de 18 à 29 ans habitent chez leurs parents tout ou partie de l’année, nous dit-on, parmi lesquels 65 % des 18-24 ans et 20 % des 25-29 ans. Quand on entre dans le détail, il apparaît que "15 % des 18-24 ans qui habitent chez leurs parents résident aussi en partie ailleurs (foyer d’étudiants ou logement indépendant), souvent grâce à une aide financière des parents, chez qui ils passent les week-ends et les vacances". Rien de nouveau sous la pluie, on a tous fait cela ! Sans surprise, on apprend que les plus jeunes sont généralement étudiants, "tandis que les 25-29 ans sont plus souvent des actifs. Chez ces derniers, une personne sur deux occupe un emploi, souvent faiblement qualifié ou à durée limitée, et plus du quart sont au chômage." Enfin, "au-delà de 30 ans, à peine 2 % des personnes cohabitent encore avec leurs parents", le plus souvent parce qu’ils s’en occupent, étant même à 12 % "les occupants en titre du logement".

Le plus intéressant - mais, là encore, sans surprise - est que "après une diminution amorcée au milieu des années 1990, le taux de cohabitation a de nouveau augmenté depuis le début des années 2000 (+1,4 point entre 2001 et 2013), en raison de l’accroissement de la part de chômeurs – notamment après la crise de 2008 – et d’étudiants chez les jeunes adultes", rapporte Le Parisien.

Il faut sans doute remonter à la génération ouvrière d’avant-guerre pour relever des comportements socialement différents. Un temps où l’on entrait plus tôt dans la vie active, où il y avait surtout infiniment moins "d’étudiants". Sachant que c’est généralement la mise en couple, de plus en plus tardive elle aussi, qui marque le vrai départ du foyer familial, il n’y a rien d’étonnant dans les chiffres de l’INSEE.

Toutefois, tout cela mérite d’être considéré sachant que, ce jeudi, descendent dans la rue les étudiants et lycéens mobilisés une fois encore contre le spectre de la sélection. S’y ajoute, cette fois, une réforme du bac qui paraît plus probable que jamais.

Deux syndicats ont refusé de s’associer à cette journée de mobilisation pour le "retrait du Plan étudiants, de la plate-forme Parcoursup et des projets de réforme du bac et du lycée" : il s’agit de la FAGE et du SGEN-CFDT. Sur le blog ÉducPros/em> de L’Étudiant, ils s’en expliquent, rappelant notamment que les réformes en cours d’examen au Parlement sont le fruit de longues concertations auxquelles tous les représentants du monde enseignant et des étudiants ont été conviés.

Ce que pointent ces deux syndicats, c’est la réalité, très actuelle celle-là, d’une sélection injuste qui ne dit pas son nom : par manque de place tout d’abord, puis par "l’autosélection" qui éloigne les jeunes des milieux populaires des filières sélectives dont ils n’ont pas les codes. La réalité, c’est un taux d’échec très élevé des bacheliers de filière générale, et seulement 1,6 % des bacheliers pro qui réussissent à obtenir un diplôme de licence en trois ans.

Or, disent ces deux syndicats, la réforme marque justement "l’entrée du principe de l'éducation prioritaire dans l'enseignement supérieur" : "En introduisant des quotas de bacheliers boursiers dans les filières sélectives (y compris dans les CPGE), le projet de loi permet à des jeunes issus de familles populaires d'accéder à des filières très largement "trustées" par les enfants des familles de cadres."

La réussite au mérite. C’est cela, la justice sociale.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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