Cette semaine, avec le sens de l’outrance qui le caractérise, le journal satirique Charlie Hebdo a, par l’entremise de Riss, croqué en une Maryam Pougetoux, la très controversée présidente voilée de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) à l’université Paris-IV.

Ce voile est, en effet, devenu une pomme de discorde, et pas seulement parmi les mal-pensants de droite, puisque Bruno Julliard en personne, président de l’organisation étudiante de 2005 à 2007, a déclaré que "voir qu’une présidente de section locale de l’UNEF porte le voile et voir qu’elle est soutenue par les dirigeants de cette organisation, ça me tord le ventre. Ce n’est pas supportable" (Marianne).

Mais c’est surtout l'article dans Charlie Hebdo, signé Laure Daussy, qui a retenu mon attention, titré "L’UNEF affiche sa foi antilaïque", rappelant judicieusement qu’il n’y pas si longtemps, l’UNEF "allait même jusqu’à s’opposer au port du voile à l’université". Ce qui en dit long sur la visibilité de l’islam dans les milieux universitaires. Car ce reniement idéologique de l’UNEF "aurait été inimaginable il y a vingt ans […]. Personne ne serait venu à l’UNEF avec sa foi en bandoulière", a déclaré Emmanuel Maurel, député européen et ancien du syndicat étudiant. Julien Dray – membre fondateur – a été encore plus lapidaire en affirmant qu’accepter "cette jeune dame comme dirigeante souille tout notre combat mené dans les universités". Autant de propos que l’article de Charlie Hebdo rapporte, soulignant ainsi le fossé qui s’est creusé entre les dirigeants d’hier et ceux d’aujourd’hui à l’UNEF.

La réponse pavlovienne des intéressés à cette levée de boucliers ne s’est pas fait attendre et leur réponse, sans originalité, est tombée : c’est de l’islamophobie !
Tout en accusant l’extrême droite d’instrumentaliser "un enjeu de gauche" – c’est Charlie, on ne le refera pas et on n’est pas obligé d’en être –, c’est la conclusion de l’article qui est édifiante, osant une comparaison audacieuse qui dit, en substance, combien la tolérance sans nuance à l’égard de l’islam – que Le Point désignait, il y a quelques années, avec euphémisme, comme "sans gêne" – est ancrée dans ces fameux milieux de gauche : "Aurait-on vu à la tête de l’UNEF une militante de la Manif pour tous brandissant sa religion catholique en bandoulière ?" Cette remarque, frappée au coin du bon sens, démasque en quelque sorte les contradictions de ceux qui accablent par ailleurs volontiers la croix qui ne leur a jamais rien fait.

Qu’il est loin, le temps où la joyeuse bande de l’UNEF haranguait les masses estudiantines dans les couloirs de la fac en nous promettant ni Dieu ni maître. J’étais alors en lettres modernes à Paris-VIII et l’on comptait les voiles sur les doigts d’une main - ce qui a beaucoup changé.

Aussi, une fois n’est pas coutume, je souscris entièrement au dessin – toujours de Riss – illustrant l’article de Laure Daussy qui, dans un "Jeu des zéro erreurs", fait glisser l’« UNEF » vers l’« UOIF ».

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24 mai 2018 à 23:09

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