Vinci aux enchères : le Christ chez Christie’s ou le diable en son royaume ?

C’est le coup de tonnerre de la matinée : un tableau de Léonard de Vinci adjugé 450,3 millions de dollars (381 millions d’euros), record pulvérisé ! Avec humour, sans doute, les médias inscrivent cela dans leur rubrique « culture ». Je ne suis pas sûre que ce soit très culturel, même si Guillaume Cerutti, le directeur général de Christie’s (la maison de vente aux enchères qui vient de toucher le pactole), s’est enthousiasmé au micro de RTL : "C’est la magie de l’art !"

L’histoire a tout ce qu’il faut pour enflammer les imaginations : une estimation à 100 millions de dollars - ce qui n’est pas rien - et des enchères qui s’envolent vers des sommets ahurissants par la grâce d’un acheteur anonyme, bien sûr, et au sujet duquel courent les plus folles rumeurs. On dit que ce serait un Chinois, ancien chauffeur de taxi devenu milliardaire… Pourquoi pas. Avec les Chinois, tout est possible.

Le Salvator Mundi mesure 65 cm sur 45 cm, ce qui en fait aujourd’hui le centimètre carré à 153.948,7 dollars. Il a été vendu pour 45 livres britanniques en 1958. Bien crasseux et recouvert d’horreurs, il a nécessité six années de restauration avant qu’on ne l’authentifie comme un chef-d’œuvre de Léonard. Le marchand d’art suisse Yves Bouvier l’a acheté en 2005 pour 80 millions de dollars, puis l’a revendu à l’oligarque russe Dmitri Rybolovlev (président de l’AS Monaco) la somme rondelette de 127,5 millions de dollars. Ces deux là sont aujourd’hui en procès, "le milliardaire accusant le marchand d’art d’avoir pris des marges exorbitantes sur les tableaux qu’il lui procurait", précise l’AFP. On vous le dit : l’amour de l’art…

Bref, comme dit M. Cerutti, "c’était un grand moment pour Christie’s et, je crois, un grand moment pour le marché de l’art". Ben tiens.

Toutes ces fadaises – car ce sont des fadaises – sur l’amour de l’art sont bonnes pour les gogos. Vous et moi. Nous tous les petits, les sans-grade. La vérité est ailleurs, Monsieur Mulder, et François Lenglet l’a balancée jeudi matin sur RTL.

La vérité est que "derrière ce montant exorbitant, il y a la plus grosse bulle spéculative de tous les temps". Et si le marché de l’art est en train de flamber dans de telles proportions, c’est extrêmement inquiétant pour nous tous. Pour se faire une idée : "En début de semaine, Christie's […] a réalisé une vente de tableaux pour 480 millions de dollars en une seule nuit. C'est-à-dire que cette maison (qui appartient au Français François Pinault) va vendre pour plus d’un milliard de dollars de tableaux en une semaine."

Et la folie ne s’est pas emparée du seul marché de l’art. "Les records se succèdent dans la peinture, mais aussi dans les transferts de joueurs de football (plus de 220 millions d’euros pour celui de Neymar au PSG). Regardez encore le prix des logements à Miami, l'un des marchés immobiliers les plus volatils au monde, qui est chauffé à blanc. Regardez, encore, le bitcoin, cette monnaie électronique fictive dont le cours atteint maintenant plusieurs milliers de dollars", poursuit François Lenglet, "sans parler des actions mondiales, ou des obligations, dont les prix atteignent des sommets. Partout, l'argent gonfle des spéculations tout à fait inouïes."

Ça ne vous rappelle rien ?

"La dernière fois qu'on avait atteint ces niveaux-là, c’était à la fin 2007. Juste avant la grande crise financière mondiale", avant la dégringolade, les banques qui tombent en cascade comme des dominos, les pauvres à la rue, les municipalités ruinées dans des placements toxiques, le chômage de masse.

Alors, préparez-vous, braves gens, ça va assurément nous retomber dessus…

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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