Villages à vendre

Le maire d’Ollolai, un petit bourg au centre de la Sardaigne, brade actuellement (février 2018) deux cents maisons à un euro chacune pour repeupler son village. Quantité de « ruraux », dans toute l’Europe, quittent leur village natal pour la grande ville la plus proche ou, pire, vers la mégapole de la région ou du pays.

Bien sûr, la désertification de nos campagnes ne date pas d’hier. La Révolution bourgeoise de 1789 a amorcé le déclin (les « républicains » étaient essentiellement des citadins) puis la révolution industrielle l’a accentué et la Première Guerre mondiale a achevé le travail en causant la mort effective de millions de paysans européens, dans un camp comme dans l’autre (à qui profite le crime ? Aux marchands d’armes d’abord).

Le visionnaire Oswald Spengler avait décrit cette dramatique involution :

Le paysannat a enfanté un jour le marché, la ville rurale, et les a nourris du meilleur de son sang. Maintenant, la ville géante, insatiable, suce la campagne, lui réclame sans cesse de nouveaux flots d’hommes qu’elle dévore, jusqu’à mourir elle-même exsangue dans un désert inhabité.

La mondialisation pousse sans cesse les structures économiques au gigantisme. Selon le mondialisme, qui est la traduction politique et utopique de la mondialisation, un concept auquel adhèrent la quasi-totalité des dirigeants de la planète, les peuples attachés à leur terre ne devraient plus exister, pour laisser place à un magma uniforme et informe, malléable et corvéable à merci. Les terroirs, à les entendre, ne seront bientôt plus que des « zones » dont la vocation industrielle ou agricole sera planifiée au niveau planétaire ; les « habitants » de ces lieux rendus anonymes, sans distinction de race ou d’origine, seront invités fermement à souscrire au nouveau paradigme. Cette uniformisation à marche forcée a déjà commencé en France avec l’initiative (concertée ?) des présidents de région qui croient de bon aloi de renommer nos régions dans ce sens : Hauts-de-France, Grand-Est ou même Sud, pour le dernier avatar de cette infamie.

Peu importe, donc, à nos gouvernants la qualité de vie de leurs populations, pourvu qu’ils y trouvent leur content (ou leur « comptant », terme qui serait plus adéquat). Il apparaît pourtant de plus en plus évident que ce gigantisme planétaire n’est pas viable. Toutes les régions du monde (y compris les déserts) possèdent un sol, un sous-sol ou des peuples qui possèdent ce que les autres n’ont pas et qui peuvent échanger dans de saines relations avec ces autres leur génie ou leur savoir-faire local sans perdre leur identité et leurs moyens de subsistance. Au contraire de cette propagande uniformisatrice qui tend à nous faire croire que le fait d’être soi-même et de le revendiquer relève d’un quelconque « repli sur soi », il semble qu’une nouvelle génération ait envie de renouer avec les traditions ancestrales et de se réenraciner, loin des pratiques artificielles et trépidantes de leurs congénères des villes. Le monde qui vient ne pourra survivre que grâce à ces pionniers de la tradition.

Pierre-Émile Blairon
Pierre-Émile Blairon
Écrivain, journaliste

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois