Versailles, Versailles, Versailles… On en deviendrait presque insoumis

Je ne suis pas versaillais. Chacun ses défauts. Et je n'ai découvert le château qu'à quarante ans passés. Avec l'émotion, intacte, et peut-être mûrie, de l'enfant fasciné par cette page de son livre d'Histoire de France d'école primaire, où les ailes du palais se déployaient, entre le clair-obscur de l'enfant roi menacé par la Fronde et la pénombre de la fin du règne où le Roi-Soleil s'adressait sur son lit de mort au petit Louis XV.

Le Président Macron, dans son louable souci de renouer les fils du récit national, a donc décidé de rendre aux Français la grandeur de la France des rois dont ils avaient été privés par une tradition bien trop républicano-républicaine et un abaissement de la fonction présidentielle sous nos derniers Présidents. Il avait théorisé ce vide dans l'imaginaire politique français. Et il a donc tenu à réinvestir ces lieux de la France royale. Le soir de son élection, M. Macron avait choisi le Louvre. Puis il y eut la rencontre avec Poutine à Versailles. Rien à redire à tout cela. Et l'on pourrait même se laisser aller à une admiration sincère pour ces restaurations transgressives.

Mais voilà que M. Macron a annoncé qu'il se rendrait encore à Versailles pour s'adresser au Parlement réuni en Congrès. Il l'avait dit. Il le fait. Mais, venant après tant d'actes monarchiques et jupitériens, cela conduit, comme dans la soirée du Louvre, comme dans ce portrait officiel dévoilé hier, à une saturation symbolique. Un excès. Notre président si littéraire a-t-il oublié que la litote, aussi, fait partie du génie littéraire et politique français ? Autant, si ce n'est plus, que l'hyperbole ou l'enflure.

Saturation, aussi, au moment où le paysan du Lot-et-Garonne, poignardé par un fiché S, dans un acte que la justice du royaume ne veut pas reconnaître comme terroriste, crie in deserto sa révolte devant le silence des autorités. Autorités qui n'auront pas daigné descendre de leur posture royale pour écouter ce que ce paysan d'une province reculée avait à leur dire.

Saturation, encore, quand, à l'Assemblée, mené par M. Ferrand, le parti du président distribue les postes à ses seuls ralliés.

Saturation, enfin, quand M. Philippe, Premier ministre désigné par M. Macron, déclare le même jour :

"Les conclusions de la Cour des comptes sont sévères. Sans appel. Nous héritons d’un dérapage de huit milliards d’euros. C’est inacceptable."

"Nous héritons"... Belle formule, ce "nous". "Nous" de majesté ? "Nous" jupitérien ? Belle et sacrément cocasse ! Quand on sait que le surintendant des finances responsable du dérapage et de l'héritage des huit milliards n'est autre que M. Macron, qui occupa le poste de ministre de l'Économie jusqu'au 30 août 2016. Décidément, la France de Macron a de vrais airs d'Ancien Régime.

Dans ces circonstances, M. Macron a tort d'abuser du symbole versaillais. Et M. Mélenchon était dans son rôle en refusant d'y conduire ses partisans. Symbole contre symbole, l'héritier de la gauche révolutionnaire a visé juste.

Que fera la droite ? Enfin, la vraie, pas celle qui, comme M. Solère, trahissant ses électeurs, courtisane zélée du nouveau pouvoir, se soumet en échange de quelques postes.

Il serait inquiétant que, pour exprimer son insoumission à M. Macron, à sa politique calamiteuse d'hier quand il gérait les finances, à son esbroufe du moment et, surtout, à son cadenassage sans précédent du système politico-médiatique, les Français n'aient plus que la voix de La France insoumise.

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