Deux épisodes relatifs aux manifestations des gilets jaunes ont occupé, au cours de ces derniers jours, le devant de la scène médiatique.

Tout d’abord, il s’agit de cette violente agression commise par un ancien boxeur professionnel à l’encontre de deux gendarmes mobiles à Paris. Puis, à Toulon, l’intervention musclée d’un commandant de police sur deux manifestants. Bien que fondamentalement différentes sur le fond, la première attaque étant constitutive d’une agression caractérisée sur deux membres des forces de l’ordre alors que la seconde s’inscrivait, jusqu’à preuve du contraire, dans le cadre d’un emploi légitime de la force commandé par les circonstances, ces deux actions n’en sont pas moins révélatrices du climat de violence qui s’est insidieusement installé, au fil des semaines, dans notre pays.

Ces dérives hebdomadaires, qui sévissent tant à Paris qu’en province, sont en voie d’entamer la crédibilité d’un mouvement parfaitement légitime. Mais il est vrai que le mode de fonctionnement choisi par certains leaders des gilets jaunes, se voulant en dehors de toutes organisations structurées (syndicats ou partis politiques), portait déjà en soi les prémices de ces dérives. Pour faire face à ces désordres et à ces violences à répétition, le gouvernement a donc choisi la fermeté. Et, pour ce faire, Édouard Philippe vient d’annoncer une série de mesures destinées à contrer les casseurs et à responsabiliser les organisateurs des manifestations.

En préalable, et sur la forme, il convient de souligner que les mesures annoncées par le Premier ministre sur TF1, lundi soir, avaient été, pour certaines d’entre elles, votées par le Sénat récemment. Mais qu’elles avaient, alors, été repoussées par la majorité LREM et ses alliés, et ajournées sine die par le gouvernement.

Ensuite, que par leur contenu, ces mesures ne sont pas sans rappeler avec acuité la loi anti-casseurs votée en juin 1970 puis abrogée en 1982 par le premier gouvernement de François Mitterrand. À chacun, donc, de tirer les conclusions de ce qui constitue, d’un point de vue démocratique, un véritable retour en arrière.

Sur le fond, un certains nombre de dispositions vont donc être prises. Et, tout d’abord, la création d’un "fichier des casseurs identifiés". Se conformant, en cela, à une demande récurrente de certains syndicats de police, ce fichier devrait permettre d’éloigner des manifestations, au moins temporairement, les individus les plus virulents et dangereux. Reste à savoir comment et avec quels moyens sera mis en place ce dispositif, et s’il sera véritablement contraignant pour les casseurs.

Ensuite, un renforcement des sanctions contre les organisateurs de manifestations non déclarées. Et là, on devine, dans le contexte actuel, qui sont les meneurs plus particulièrement visés. Enfin, la mise en œuvre du principe « casseur-payeur », qui permettra de faire payer les auteurs de dégradations et destructions.

Ces mesures n’en resteront pas moins extrêmement difficiles à mettre en œuvre. D’abord, d’un point de vue juridique, elles devront passer le filtre du Conseil constitutionnel, lequel, nous le savons, est pointilleux sur le droit de manifester. Ensuite, il faudra que la Justice suive. Déjà difficiles à établir en procédure, les infractions relevées dans le cadre de ce nouveau dispositif devront être parfaitement établies, ce qui est toujours compliqué lors d’une opération de maintien de l’ordre. Enfin, d’un point de vue opérationnel, contrôles en amont des manifestations, neutralisation des casseurs potentiels, interpellations de leaders identifiés, ou de fait, ne seront certainement pas évidents à réaliser.

Là encore, ces annonces risquent donc de ne rester qu’une vaste opération de communication.

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08 janvier 2019 à 13:26

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