Comme cela était prévisible, le coup de force de Juan Guaidó pour faire entrer l’aide humanitaire fournie par les États-Unis a échoué, lors de cette journée du 23 février. Non seulement, du côté vénézuélien, les principales voies d’accès aux zones frontalières avaient été quadrillées par les militaires mais, de plus, les ponts frontaliers avec la Colombie étaient fermés et investis par les forces armées vénézuéliennes, aidées par des centaines de « collectivos », ces forces paramilitaires supplétives qui sèment, depuis des années, la terreur au Venezuela.

Après des affrontements plus ou moins violents (Bogota fait état de 285 blessés "du fait de l’usage de gaz lacrymogènes et d’armes non conventionnelles", d’autres sources évoquent plutôt une centaine de blessés), le président colombien Iván Duque décidait, pour éviter toute escalade, le retour du convoi humanitaire. Sur les huit camions qui le composaient, deux ont été brûlés lorsqu’ils ont tenté de traverser vers le Venezuela le pont Francisco-de-Paula-Santander et un autre a dû être rapidement déchargé au risque de subir le même sort. Mais c’est à la frontière brésilienne, à Santa Elena de Uairén, une petite ville de 30.000 habitants de l'État de Bolívar, que les affrontements ont été les plus violents, avec un premier bilan particulièrement lourd de deux morts et de plus de trente blessés, dont cinq dans un état grave, selon une ONG présente sur place.

Ce samedi 23 février est riche de nombreux enseignements.

Tout d’abord, sur le plan de la loyauté des forces armées vénézuéliennes, force est de constater, malgré l’amnistie promise par Guaidó, malgré les exhortations des manifestants sur les ponts lorsqu’ils étaient encore en contact avec les militaires (« Venez, les garçons, pensez à vos familles »), qu’au terme de cette journée, seulement 61 membres des forces armées vénézuéliennes ont quitté leur poste et se sont réfugiés en Colombie, même si ce nombre souligne un réel effritement.

Il faut, par ailleurs, souligner que « la chaîne humaine » promise par Guaidó pour faire acheminer l’aide alimentaire n’a pas été au rendez-vous. Pour plusieurs raisons : l’armée a réussi, en amont, à bloquer toute migration importante et, de plus, depuis quelques jours, grâce à l’aide russe, de nombreux magasins d’État ont été approvisionnés.

Après cette « provocation » - car l’opération de l’aide alimentaire a été aussi organisée pour cela -, Juan Guaidó a demandé à la communauté internationale d'envisager "toutes les options". Il sera présent à Bogota, lundi, lors de la réunion des représentants des pays du groupe de Lima et devrait également rencontrer Mike Pence, le vice-président américain. Alimentant l’escalade verbale, Mike Pompeo, l’architecte de ce plan anti-Maduro, a prévenu : "Les États-Unis vont passer aux actes contre ceux qui s'opposent à la restauration pacifique de la démocratie au Venezuela [...]"

Nous l’avons souligné dans une précédente chronique, la situation au Venezuela est devenue un enjeu géopolitique et, sauf à risquer de faire de ce pays non pas un théâtre d’opérations à la syrienne mais un Cuba bis, compte tenu des multiples intérêts en jeu, l’option militaire apparaît comme la pire de toutes...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:59.

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24 février 2019 à 14:01

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