Ça y est. Valérie Pécresse descend enfin dans l’arène en grimpant, avec ses partisans, la butte d’Orgemont, à Argenteuil. Nous sommes loin de la colline inspirée de Maurice Barrès et plus encore de la Roche de Solutré, chère à un autre barrésien, François Mitterrand. Au fait, on allait oublier : ce nouveau mouvement se nomme "Libres".

Pourquoi un nouveau mouvement ? Pour éviter à son mouvement d’origine, Les Républicains, le "risque d’éclatement". Pas forcément logique, mais c’est ainsi. Avec Valérie Pécresse, l’Histoire est en mouvement. Afin de donner un peu de lustre au baptême du mouvement en question, il fallait bien citer les grands auteurs. Barrès ? Non, Sarkozy : "Quand la droite se rétrécit, elle perd. Quand elle s’élargit, elle gagne." Et inversement tout au contraire, on imagine.

Quels seront les contours de ce nouveau mouvement de droite ? "Ni Macron ni Buisson, une troisième voie est à inventer !" Elle, en revanche, ne paraît pas avoir inventé le bidon de deux litres ; sinon elle saurait que c’est précisément à Patrick Buisson, son principal conseiller, que Nicolas Sarkozy doit son écrasante victoire de 2007. Mieux, ou pis, c’est selon : si cette éminence grise avait été plus et plus tôt écoutée en 2012, le mari de Carla Bruni rempilait direct pour un second mandat élyséen.

Si l’Histoire contemporaine lui semble donc être à peu près étrangère, elle ne brille guère plus dans l’Histoire ancienne. Qu’on en juge : "Ce qui fait la force d’âme de la droite, c’est d’avoir toujours préféré Charles de Gaulle à Charles Maurras." Là, pas de pot, biquette, et pas une balle dans le panier !

Rappelons ainsi que Charles de Gaulle était maurrassien – et pas que dans sa jeunesse comme François Mitterrand – et que les premiers à avoir rejoint Londres venaient de cette droite déjà donnée pour extrême, tel l’un des premiers fusillés de la Résistance, Honoré d’Estienne d’Orves, ancien d’Action française, formation qu’on peut qualifier de maurrassienne sans prendre grand risque de se tromper.

D’ailleurs, si Valérie Pécresse entend parfaire son début de culture générale, on ne saurait trop lui conseiller la lecture de l’essai définitif de l’universitaire israélien Simon Epstein : Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance. Ça lui permettra peut-être de briller dans les salons au lieu de se ridiculiser sur les tribunes.

Ensuite, on voit mal comment « inventer » ou « réinventer » la droite en se fondant sur des polémiques remontant à près de quatre-vingts ans et qui n’impactent que très modérément le quotidien de nos compatriotes. De même que sa recette pour mobiliser cette nouvelle droite a de quoi laisser perplexe le plus finaud des observateurs, puisque consistant à en appeler "au rassemblement de toutes les sensibilités de la droite et du centre". Voilà qui est très original et, surtout, éminemment funky.

Malgré l’enthousiasme que cette vision politique ne manquera pas de déclencher dans les populations, se pose néanmoins une petite question. Ces "sensibilités de la droite et du centre" se sont déjà réfugiées chez Emmanuel Macron, tandis que les rescapés de la Bérézina des Républicains en pinceraient désormais plus pour un Laurent Wauquiez qui tente, lui, de fédérer d’autres sensibilités, de droite et d’extrême droite. La marge de manœuvre de Valérie Pécresse relève donc plus du chemin vicinal que de l’autoroute à quatre voies. Qu’importe, assure-t-elle en paraphrasant André Malraux – ça fait toujours plus chic que de citer Sarko –, "les grands rêves poussent les hommes aux grandes actions". C’est beau et ça marche même avec les femmes. Logique, c’est du Malraux.

Entre ici, Valérie Pécresse, avec ton terrible cortège. Bien, le cortège, d’ailleurs. Gérard Larcher, David Douillet et Jérôme Chartier, entre autres figures charismatiques. Ils vont même tous partir en tournée. À quand le disque ?

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12 septembre 2017 à 3:09

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