Va-t-on imposer aux consommateurs de laisser un pourboire ?

96 % des Français prétendent laisser un pourboire sur la table des cafés et des restaurants. Ce pourcentage est sans doute exagéré et, de toute façon, les sommes données sont de plus en plus maigres, d’autant que cette pratique s’est raréfiée avec l’utilisation des cartes de crédit.

L’UMIH (Union des métiers et des industries hôtelières) s’en désole et propose de rendre le pourboire obligatoire comme dans les pays anglo-saxons. Aux États-Unis, quand le serveur vous amène la note, il vous donne un crayon et vous ajoutez à la main le montant de ce que vous voulez bien lui donner. Il n’a aucune autre rémunération. Il a donc intérêt à être le plus aimable possible et à vous contenter au mieux. On estime qu’il faut donner entre 15 % et 20 % de la note. Le système est le même en Angleterre, sans le rajout au crayon sur la note. Dans ces pays, les additions arborent la mention « service non compris », sauf chez McDonald's.

En France, le pourboire vient en sus d’un fixe (qui peut éventuellement être nul), mais le patron est tenu de compléter ce que reçoit son salarié si sa rémunération à la fin du mois n’atteint pas le minimum prévu par les accords de branche (car les clients n’ont pas été suffisamment généreux). Dans la plupart des cafés et restaurants, sur la note se trouve la mention « service compris » (avec un taux généralement fixé à 15 %). Cette somme constitue le pourboire sur lequel on appliquera la règle définie précédemment. Si aucune mention n’est portée, l’employé est supposé recevoir un salaire fixe dépassant le montant requis par l’accord de branche. En aucun cas le client n’est tenu de donner quoi que ce soit en dehors de la facture qui lui est remise (mais il peut le faire, s’il le souhaite) et le serveur est certain d’être payé au moins au SMIC. Le patron ne peut prévoir un contrat impliquant une rémunération en partie en pourboire que pour le personnel en contact avec la clientèle (et pas pour un cuisinier ou un plongeur, par exemple). Toutes les sommes perçues sont en principe déclarées et les impôts (dont la TVA) et la Sécurité sociale s’appliquent à elles. Si le patron ne tient pas de registre pour les sommes données de gré à gré, un montant forfaitaire documenté est fixé pour les personnels des cafés et restaurants. Certaines professions échappent à toute surtaxe forfaitaire (coiffeuse, livreur, chauffeur de taxi), l’État comptant sur la bonne foi de ceux qui reçoivent des rémunérations annexes. (A-t-il tort ?)

La suggestion de l’UMIH me laisse sceptique, puisqu’en France il est interdit de gagner moins que le SMIC. Même si on imitait le système américain et si le pourboire était laissé entièrement à l’appréciation du client, le complément par le patron en cas de déficit resterait obligatoire. Mais, dans ce cas, les prix baisseraient-ils systématiquement de 15 % , puisque le service ne serait plus compris ? J’en doute ! Alors, n’est-ce pas une façon déguisée de faire payer plus le client en se parant de générosité ?

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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