Qui va en prison, aujourd’hui ?

Mais qui va en prison, aujourd'hui, en France ? Une nouvelle fois, le nombre de détenus atteint un nouveau record dans notre pays. Ainsi, selon un communiqué de la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP), ils étaient 70.633 à être incarcérés au 1er mai de cette année, alors que le nombre de places disponibles est évalué à 59.813. Ce chiffre porte à 118,1 % le taux d'occupation moyen de nos établissements pénitentiaires. Triste record ! Surtout lorsque l'on sait que ce même taux d'occupation peut atteindre, dans certaines prisons, jusqu'à 162 %. C'est le cas, notamment, à Toulouse en matière de détenues féminines.

Alors que le nombre d'individus incarcérés baisse partout en Europe, il ne cesse d'augmenter en France. Cette situation, dont on pourrait se réjouir, n'est cependant pas sans poser de nombreuses difficultés. Tout d'abord en matière de prise en charge des détenus par l'administration pénitentiaire, parce que le nombre de surveillants, lui, n'augmente pas. Ensuite, en matière d'hygiène, car les prisons, faites pour accueillir un nombre précis de prisonniers, ne sont plus à même de répondre à la demande. Enfin, en matière de sécurité, parce que, pour maintenir la paix sociale dans les établissements, la discipline se relâche inexorablement.

À cette surpopulation carcérale pourrait correspondre une augmentation significative de la délinquance. Tel n'est pas le cas. Le nombre de mis en cause pour des infractions pénales est, pour sa part, relativement stable, C'est donc ailleurs qu'il faut chercher les raisons de cette situation fortement préoccupante. Une première réponse est donnée en analysant les décisions des juges. Ce sont eux qui, en effet, décident d'incarcérer ou pas. Or, il apparaît que, selon les régions, les mises sous écrou sont générées de manière totalement différente. Une même infraction commise ici ou là en France n'emportera donc pas la même décision juridictionnelle.

Il apparaît également, à l'analyse de cas particuliers, que les mises en détention sont loin de sanctionner les délinquants les plus dangereux. Il n'est en effet pas rare de voir des auteurs de conduite sans permis ou de conduite sous l'empire d'un état alcoolique être incarcérés pendant plusieurs semaines. Et ce, alors même que les mis en cause ont un travail régulier (CDI) et une vie de famille établie. Dans certaines maisons d'arrêt, ces détenus, incarcérés pour des délits mineurs, peuvent représenter jusqu'à la moitié de la population pénale.

Si d'une façon générale on ne pourrait avoir qu'à se réjouir de la fermeté de la Justice, cette pratique qui consiste à envoyer en prison des individus, certes coupables d'infractions bien réelles, pour quelques semaines au risque de briser leur vie sociale et familiale est des plus contestables. Alors que de nombreux fichés S, reconnus pour leur dangerosité, ou que des prédateurs sexuels déambulent en toute liberté dans notre pays, est-il de bonne justice que d'incarcérer un individu qui pourrait, par exemple, faire l'objet de la pose d'un bracelet électronique, libérant ainsi une place de prison pour quelqu'un de plus dangereux socialement ? La fermeté légitimement attendue de la Justice ne doit pas être confondue avec de l’aveuglement et du manque de discernement.

La surpopulation carcérale que connaît notre pays est, à n'en pas douter, largement due à une gestion inadaptée de l'arsenal des sanctions que connaît notre droit pénal. Un système judiciaire efficace et humain est un système judiciaire qui sait prioriser ses actions et sanctionner équitablement. Manifestement, il y a encore, dans notre société, des marges de progression.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

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