UNESCO : une machine à entretenir les conflits idéologiques

"Construire la paix dans l’esprit des hommes à travers l’éducation, la science, la culture et la communication" est la maxime directrice de l'UNESCO, cette agence des Nations unies dont le siège est à Paris et dont l'acronyme est issu de... la langue anglaise. L'UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization,), parmi les autres agences de l’Organisation des Nations unies, est en charge de l’éducation, la science et la culture de l'humanité. Héritière de la Commission internationale de coopération intellectuelle (la CICI, organe de la Société des Nations), l'UNESCO n'a jamais été, contrairement à son prédécesseur de l’entre-deux-guerres, un haut lieu de la culture, inspirée par de grands talents intellectuels ou littéraires : Einstein, Marie Curie, Béla Bartók, Bergson, Thomas Mann...

Beaucoup plus politique, plus administrative et beaucoup moins brillamment intellectuelle que son prédécesseur, l'UNESCO, pourtant, n'a pas un bilan totalement négatif. Il y eut, certes, la très contestable période de M'Bow, secrétaire général, tiers-mondiste, pro-soviétique, chantre d'un nouvel ordre mondial très idéologisé et utopique, qui ambitionnait de briser le monopole occidental sur les droits d'auteurs et même les brevets d'invention en vue de rendre libres de droits les transferts de technologie. Légaliser le libre plagiat...

Mais l’UNESCO est aussi engagée dans des programmes où son rôle est irremplaçable : scolarisation, notamment des filles, programmes éducatifs pour les pays pauvres et préservation de sites culturels remarquables partout dans le monde (Abou Simbel, Grande Muraille de Chine, vieille ville de Jérusalem) et des 200 sites naturels (baie d’Hạ Long, chutes Victoria, etc.). Une action (vaine) pour tenter de sauver des chefs-d’œuvre : statues des Bouddhas d'Afghanistan, Babylone ou Ninive en Irak, Palmyre en Syrie...

Il y a une vingtaine d'années, l'action de l'UNESCO a été perçue positivement par l'opinion française lorsqu'elle s'est dressée contre l’OMC (Organisation mondiale du commerce), s'agissant de savoir si les produits culturels sont des marchandises parmi d’autres ou si, au contraire, ils doivent bénéficier d’un traitement spécifique. En 2005 fut finalement adoptée la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (148 votes pour, deux contre : les États-Unis et Israël). Cet affranchissement (démarchandisation) de la culture (y compris musique et cinéma) vis-à-vis de l'OMC et du droit du commerce international le plus vulgaire est une victoire dont on doit créditer l'UNESCO : la fameuse "exception culturelle".

Simultanément, l'UNESCO a pris des positions politiques qui ont entraîné l'ire puis le retrait d’Israël et le troisième retrait des États-Unis lorsque la Palestine a été acceptée comme membre à part entière en 2011. Alors que la Corée du Nord est membre, mais pas Taïwan, ce qui pose la question des critères.

Bien plus que les autres agences de l'ONU, plus techniques, l'UNESCO est et demeure une machine à entretenir des conflits idéologiques et à gratifier des politiciens sans grand talent intellectuel. Après Irina Bokova, la Franco-Marocaine Audrey Azoulay, élue le 13 octobre au poste de secrétaire général - ancien ministre de la Culture de François Hollande, fille d’André Azoulay, conseiller du roi du Maroc (Hassan II, puis Mohammed VI) -, ne fera pas exception.

Par-delà ces agitations subalternes, la question du rôle et de la place de l'ONU reste entière. Donald Trump annonçait qu'il allait tirer sur tout ce qui est multilatéral (du Traité transpacifique à l'ALENA et à l'OMC). Et la France aurait bénéfice à suivre ce brise-glace s'il se mettait enfin à forcer la banquise du multilatéralisme, notamment l'OMC ou le TAFTA.

Mais que faire de l'ONU ? Que l'on nous permette d’imaginer un monde où les questions du commerce (au lieu de l'OMC), de l'écologie, de la finance (au lieu de la Banque mondiale), de la monnaie (au lieu du FMI) et du développement soient de la compétence de l'ONU, c'est-à-dire de la démocratie des nations du monde. Et non pas de celle des institutions de Bretton Woods totalement contrôlées par des intérêts privés aux États-Unis qui les ont enfantées.

Henri Temple
Henri Temple
Essayiste, chroniqueur, ex-Professeur de droit économique, expert international

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