Trois LR au gouvernement : une trahison ? Non : des retrouvailles !

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« Cette droite qui trahit » titre, en couverture, Valeurs actuelles, montrant un homme cachant un poignard derrière son dos. En sous-titre, cette condamnation lapidaire : "Sans convictions, sans valeurs, sans idées… ces lâches qui se vendent à Macron." Paradoxalement, à regarder de près la composition du gouvernement, on pourrait juger cette appréciation inexacte. En effet, les trois élus LR qui ont rejoint Macron, c’est un petit groupe d’« échappés » : le gros du peloton les rejoindra bientôt.

En acceptant le poste de Premier ministre ou en participant au gouvernement, Édouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont, bien sûr, confirmé que l’ambition personnelle, en politique, l’emporte bien souvent sur la fidélité à son parti ou même à ses convictions. Mais ce ralliement n’a rien d’étonnant : à quelques nuances près, le programme d’Emmanuel Macron est identique au programme défendu par Les Républicains, bien adouci depuis la défaite de François Fillon.

Le gouvernement mis en place hier, c’est le gouvernement de l’Europe et de la finance. Il n’est que de voir la nouvelle appellation du ministère des Affaires étrangères. Il rassemble des hommes et des femmes politiques venus, apparemment, d’horizons divers, mais qui ont tous en commun la volonté de défendre et de promouvoir une Europe supranationale. Quant aux personnalités issues de la « société civile » – issues des « élites », devrait-on plutôt dire –, plusieurs d’entre elles sont familières de grandes entreprises privées.

Nos trois compères LR ne déparent pas dans ce gouvernement. Ils partagent les grandes orientations économiques et européennes du président de la République et ne renient pas ses conceptions sociétales. Un exemple ? Lors du vote de la loi sur le mariage pour tous, Bruno Le Maire et Édouard Philippe se sont courageusement abstenus. Gérald Darmanin s’y est bien opposé, mais ce jeune ambitieux opportuniste n’en est pas à une contradiction près, lui qui qualifiait récemment Macron de « bobopopuliste ».

Moins qu’une trahison, ils ont effectué une sorte de « coming out » politique.

Loin d’être des transfuges isolés, ce sont les éclaireurs d’un grand nombre d’élus de la droite ou du centre qui n’aspirent qu’à rejoindre le camp du vainqueur. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter à la liste des signataires appelant à "répondre à la main tendue" : Benoist Apparu, Thierry Solère, Fabienne Keller, Christian Estrosi, Franck Riester, Arnaud Robinet et bien d’autres encore. Sans oublier Nathalie Kosciusko-Morizet, qui ne saute pas encore le pas : la circonscription où elle se présente est celle de François Fillon et ses électeurs risqueraient de ne pas apprécier un retournement trop soudain.

Aucun observateur de la vie politique ne doute qu’une partie des troupes LR se mettra elle aussi « en marche » : entre les deux tours pour les uns, à l’issue des élections pour les autres, ou en soutenant les mesures du gouvernement qui, en fin de compte, s’apparentent aux leurs. Resteront, sans doute, quelques irréductibles pour refuser tout ralliement et essayer de reconstruire une droite forte qui, dans le meilleur des cas, consentirait à s’unir à tous les représentants de la droite hors les murs, voire au Front national.

Tous pourraient, notamment, se mettre d’accord sur une Europe des nations, sur une maîtrise réfléchie de l’immigration, sur la lutte contre le terrorisme islamique, sur la défense des classes moyennes et des classes populaires, sur le rayonnement d’un pays où se sont forgées, pendant des siècles, les valeurs humanistes. Avec, pour objectif, la refondation de la France dans les domaines économique, social et culturel.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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