Depuis la mort de Naomi Mucinga à la suite d'une erreur de régulation du SAMU de Strasbourg, les commentaires vont bon train et certains n’hésitent pas à voir dans cette tragédie une forme de racisme, en affirmant que la jeune femme aurait pu être victime de ce qu’il est convenu d’appeler « le syndrome méditerranéen », pour évoquer la façon dont fut traité son appel.

Dans le milieu médical, on définit par « syndrome méditerranéen » la manière parfois trop dramatique dont les populations du pourtour méditerranéen décrivent leurs symptômes.

En effet, la représentation et l’évaluation de la douleur varient souvent en fonction de la provenance géographique des patients et de leur milieu socio-culturel.

Un marin pêcheur ou un mineur de fond, habitué à des conditions du travail difficiles, n’évoqueront pas l'apparition d'un événement pathologique de la même manière qu’un individu lambda évoluant dans une atmosphère bienveillante et ensoleillée. Tous les soignants le savent et se méfient de cette « sur » ou « sous-estimation » des symptômes pour établir leur diagnostic, car il s'agit d’éléments subjectifs que seul l'examen du patient viendra confirmer, ou infirmer, avec les éléments objectifs qu’il permettra de recueillir.

C'est là que se situe le point faible de la régulation à distance car l’interlocuteur n’a pas en sa possession les éléments objectifs que seul l'examen physique du patient lui permettrait d’obtenir.

Évoquer la possibilité de racisme dans ce tragique événement, c’est se servir de l'actualité pour mettre en avant les effets de causes qu’on estime devoir défendre à tout prix, c’est discourir sur l’écume des vagues sans se soucier de la houle qui les génère et des causes de cette houle.

Car les questions à se poser vont bien au-delà que les simples réflexions de tous les bien-pensants qui hantent nos médias.

L'opératrice mise en cause a-t-elle ou non averti le médecin régulateur ? Si oui, quelle réponse lui a-t-il donné ? Si non, pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ? Avait-elle pour consigne de ne déranger le médecin qu’en cas d’urgente nécessité, et de traiter elle-même tous les cas qu’elle pouvait estimer comme étant sans gravité ? Ce qui revient à une erreur d’organisation, car une permanencière ne peut en aucun cas établir un diagnostic.

Mais même les médecins font des erreurs, en pratique quotidienne bien sûr parfois, et en matière de régulation également. Il y a quelques années, le médecin régulateur du SAMU de Bordeaux a sous-estimé la gravité de l’état d’une patiente qui est décédée ensuite en arrivant à l'hôpital. Si ce médecin avait pu examiner cette patiente, sans doute n'aurait-il pas commis cette erreur de diagnostic.

On en revient donc toujours à la difficulté d’appréciation à distance d’un événement pathologique qui est forcément soumis à la subjectivité des interlocuteurs.

Mais on peut également mettre en cause les dangers de la centralisation des appels qui tend à faire entrer dans des standards bien répertoriés, pour pouvoir être triés, des situations individuelles dont certaines sont obligatoirement hors normes ; les médecins « d'antan » qui connaissaient parfaitement leur clientèle savaient moduler l'urgence de la demande en fonction de l'interlocuteur !

"Small is beautiful", disait-on dans les années 70 !

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18 mai 2018 à 10:00

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