Il paraît que la comparaison l’enchante. L’idée d’être « le Parrain » tirant dans l’ombre les ficelles d’une droite déconfite met Nicolas Sarkozy au comble de la félicité. Certes, on sait depuis longtemps que les obstacles moraux sont une inconnue dans son paysage et que toutes les méthodes lui sont bonnes pour se frayer un chemin vers le retour au pouvoir, mais on n’en reste pas moins interdit devant une telle absence de retenue.

Il n’a, certes, pas le physique de Brando, et s’il faut chercher la comparaison chez les illustres Corleone, Sarkozy est plus proche de Michael que de Vito. Dans l’imagerie – la mienne, en tout cas –, c’est même un curieux mélange d’Al Pacino et de Guignol ; le premier pour le poil sombre, le second pour l’agitation.

Ne plus être sur le devant de la scène politique est, à l’évidence, une torture pour l’ancien chef de l’État. Balayé aux primaires de son parti – il y est arrivé troisième, 8 points derrière Alain Juppé et 24 derrière François Fillon ! – ne lui semble pas suffisant pour renoncer à ses rêves. Surtout, et c’est le plus grave, les conséquences mortifères de sa politique nationale, pas plus que le bourbier du Moyen-Orient dans lequel il nous a précipités – car la Libye, c’est lui ! – ne sont une ombre à son autosatisfaction.

Nicolas Sarkozy est de ces bêtes pour qui la politique politicienne est l’alpha et l’oméga d’une existence. Qu’importe le pays, son avenir, qu’importent les conséquences d’une politique orientée à son seul profit, seule compte sa stratégie d’une hypothétique reconquête du pouvoir. On va donc le voir à l’œuvre cette semaine, et il le fait savoir : d’abord comme conseiller d’un Laurent Wauquiez qu’il méprise pourtant avec ostentation, puis comme "amical soutien" du ministre Darmanin, son ancien directeur de campagne à la primaire… Quel intérêt pour la nation ? Peanuts, ou bullshit, comme dirait le même Wauquiez, mais qu’importe : à défaut de savoir-faire, on se rabat sur le faire-savoir.

C’est, d’ailleurs, la tactique de Laurent Wauquiez qui, le 11 mars, donnait au Point une longue interview sur ses goûts littéraires.

Il est formidable, Laurent. Il lit tout, il a tout lu, il lira tout et davantage. En revanche, il n’aime pas tout. Tenez, Proust par exemple, il n’aime pas : "C'est peut-être l'œuvre la plus exactement opposée à mon caractère", dit-il. Trop mondain. Comprenez que Proust, c’est le reflet des Macron, des gens éloignés du peuple. La preuve : villa au Touquet ou Grand Hôtel de Cabourg, c’est du pareil au même. En revanche, le Zola de Germinal les pieds dans la glaise, ça lui parle. Et puis les mangas aussi, parce qu’il est passionné de BD, forcément. Et puis San Antonio également, avec la philosophe Simone Weil. Tout ça dans le même sac. Avec Tristan et Iseut, les passions et cette "modernité insensée dans l'univers du Moyen Âge". Il ratisse large, retourne à l’enfance quand sa maman, une "femme de lettres", lui lisait des passages d’Alexandre, le roman de Klaus Mann : une "parabole à l'usage des politiques contemporains qui se complaisent dans les raffinements du “en même temps” pour dissimuler leurs lâchetés".

Petit enfant dans son lit, il avait déjà compris tout ça… Il n’empêche : il a toujours besoin des conseils de son mentor Nicolas.

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14 mars 2018 à 12:59

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