Depuis le 21 mai, et jusqu’au dimanche 28, les débarquements de réfugiés sont interrompus en Sicile. Officiellement pour des raisons de sécurité : il ne faut pas déranger les travaux des dirigeants du G7, les pays les plus riches de la planète. C’eût pourtant été l’occasion de mettre la question migratoire au centre des discussions.

Résultat ? Les ONG, qui sont confrontées à une augmentation spectaculaire du nombre des opérations de secours, au large de la Libye, doivent conduire leurs navires dans des ports plus éloignés, faisant courir des risques supplémentaires à des milliers de réfugiés. "Le problème, c’est que nous avions 1.004 réfugiés à bord", témoigne la représentante de SOS Méditerranée, qui a dû débarquer à Salerne. "Ça représente deux fois plus de personnes prises en charge que la limite que nous avions définie. Autrement dit, même si par chance la mer était très bonne, nous avons navigué dans des conditions assez extrêmes."

Un navire de Médecins sans frontières a été dirigé vers Naples, avec près de 1.200 personnes à bord - le double de sa capacité : "Dans ces conditions, il nous est impossible de leur fournir la nourriture et l’assistance médicale." Tant pis pour leur santé et leur sécurité !

Mais pourquoi s’indigner ? Il faut comprendre le G7. Les photos des chefs d’État, posant tout sourire dans le théâtre grec de Taormine, cette petite station balnéaire sicilienne, n’allaient pas être polluées par quelques réfugiés, tout de même ! Cela ferait mauvais genre. Imaginez encore Emmanuel Macron côtoyant Justin Trudeau devant la Méditerranée avec, en arrière-plan, un bateau débordant de rescapés : cela ferait désordre ! Et notre Président n’aurait pu tweeter ce mémorable souvenir !

Ne croyez pas que les princes qui nous gouvernent soient égoïstes. Les migrants leur sont précieux : ils les respectent, à l’instar d’Angela Merkel, quand ils viennent pallier une démographie défaillante et fournissent une main-d’œuvre bon marché. Mais ils ne veulent pas les voir de trop près. Leur considération est purement utilitaire : ne pouvant le reconnaître, ils se donnent bonne conscience en jouant aux humanitaires.

C’est comme ces bobos parisiens des beaux quartiers, qui se lamentent sur le sort des réfugiés – à condition qu’ils ne campent pas dans leur arrondissement. Ou ces dames patronnesses des temps modernes qui, comme dans la chanson de Jacques Brel, sont bonnes mais sans faiblesse : elles accueillent avec enthousiasme les réfugiés les plus douteux mais rayent de leur liste les pauvres qui n’ont pour tort que d’être français.

En matière d’immigration, Tartuffe règne en maître. On prétend défendre des valeurs humanistes, la solidarité et l’entraide entre les hommes. Mais derrière ces bonnes intentions se cachent un mépris profond d’autrui, une exploitation cynique de la misère et, pire encore, une hypocrisie qui se pare du nom de vertu.

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28 mai 2017 à 1:16

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