Syrie Prévention Famille : des fonds détournés par des parents de jeunes radicalisés ?

Le grand succès des islamistes, bien au-delà des attentats meurtriers qui endeuillent la nation, est de semer durablement la pagaille dans nos vies. C’est le but, et force est de constater qu’il est souvent atteint.

Trois parents dont les enfants ont rejoint, en Syrie, les rangs des barbus fanatisés viennent ainsi d’être mis en examen ce week-end pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, financement du terrorisme et abus de biens sociaux en relation avec une entreprise terroriste", puis placés sous contrôle judiciaire.

En premier lieu, Valérie de Boisrolin, une femme dont l’histoire a ému le pays. À juste titre. Une histoire emblématique de ce qui peut advenir à des « familles ordinaires » quand le ciel d’Allah leur tombe sur la tête. Famille française, chrétienne, dont la fille de 16 ans, entichée d’un djihadiste rencontré sur le Net, s’est enfuie en 2013 pour la Syrie. Deux ans plus tard, Valérie de Boisrolin fondait, avec d'autres personnes, Syrie Prévention Famille et publiait Embrigadée, l’histoire de Léa (maintenant appelée Nesrine) et qui désormais, devenue mère, survit au milieu des combattants d’Alep en portant la burqa.

Syrie Prévention Famille est une association loi 1901 aux statuts bien précis. Elle a pour objet de "venir en aide aux familles confrontées à l’extrémisation religieuse, éventuellement violente et en lien avec une affiliation terroriste, d’un(e) proche. L’association opère sur tout le territoire national, en coordination avec l’initiative gouvernementale stop-djihadisme et son numéro vert, afin de prévenir les départs en Syrie des jeunes radicalisé(e)s, et d’accompagner dans leurs démarches les familles de ceux et celles ayant réussi à quitter le territoire." Elle reçoit, pour ce faire, 90.000 euros de subventions de l’État.

Ce qui vaut aujourd’hui à Valérie de Boisrolin ainsi qu’à Anne et Raymond Duong – parents, eux aussi, de deux enfants radicalisés via Internet et enfuis en Syrie – d’être mis en examen avec cette accusation de « financement du terrorisme », particulièrement infamante dans leur situation, c’est le soupçon d’avoir pioché dans la caisse pour aider, là-bas, leurs propres enfants.

Le JDD rapporte que "c'est Tracfin, l'organe chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent, qui a repéré les transferts suspects, vers la Turquie ou le Liban, en octobre 2016". Ces virements sont "de l'ordre de 13.000 euros pour les époux Duong". Valérie de Boisrolin aurait, via l'association, "fait passer 1.200 euros à sa fille et plus de 4.000 euros à la mère d'un djihadiste souhaitant revenir en France". On la soupçonne d’avoir "ponctionné la trésorerie de l’association à hauteur de 50.000 euros", ce qu’elle nie formellement.

Si les faits sont avérés, c’est du vol. Du détournement d’objet, contraire aux statuts, et, partant, d’argent public. Mais objectivement, au risque peut-être de choquer ici, l’accusation de financement du terrorisme est-elle fondée ? Juridiquement oui, puisque les fonds sont partis à l’étranger, au profit d’individus enrôlés dans le djihad. Humainement, il s’agit de parents désespérés prêts à tout pour récupérer leurs enfants (et maintenant petits-enfants) et les arracher à cet engrenage suicidaire.

C’est assurément condamnable, mais cela reflète notre impuissance devant ces situations. Comment, par quel moyen, avec quels fonds, et surtout sans tomber sous le coup d’une accusation de financement des mouvements terroristes, aider les nôtres à rentrer ? Pour l’instant, sauf à se défausser sur des associations comme Syrie Prévention Familles, l’État n’apporte aucune réponse. Pas plus qu’il ne sait gérer ceux qui sont rentrés.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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