Les syndicats de journalistes défendent la liberté d’expression… dans leurs professions de foi électorales

Dans mon courrier, je trouve une enveloppe de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels. Une élection approche, et les syndicats offrent quatre pages publicitaires, chacun sur leurs programmes et candidats.

Parce que je m’intéresse à la liberté d’expression, je lis ce qu’ils disent sur le sujet.

Force ouvrière m’informe que "la volonté d’informer librement, hors des pressions et des entraves, est le ciment démocratique qui doit rassembler notre profession".

La Société nationale des journalistes dit que, "fervent défenseur de la liberté d’informer […] le SNJ se bat […] contre toutes les formes de censure et d’autocensure".

Le SNJ-CGT "est engagé dans le combat pour la liberté de la presse, partout dans le monde".

La CFDT "pense qu’il n’y a pas de démocratie sans une presse libre et diverse".

Je voudrais bien croire à leurs engagements. Mais j’ai peur, si je faisais une petite enquête historique, de trouver très peu de mémoires juridiques de soutien offerts par ces organisations dans les procès contre tels faiseurs de trouble comme Minute, Rivarol et Radio Courtoisie. Des méchants comme, par exemple, Robert Ménard, Éric Zemmour ou Ivan Rioufol sont sans doute mieux placés que moi pour vous dire s'ils ont trouvé ces organisations à leurs côtés pendant les inquisitions qu'ils ont subies.

Si la réponse est oui, excusez-moi d’avoir gaspillé votre temps.

Sinon, je suggère trois règles simples pour reconnaître, un jour, si vous vous trouvez sous un régime de liberté :

Si quelqu’un a le droit de dire une chose, quelqu’un a le droit de dire le contraire. C’est la base élémentaire de la liberté, c’est-à-dire la liberté de ne pas être d’accord. Une fois, j’ai entendu un avocat de la LICRA, Alain Jakubowicz, expliquer qu’en France, il y avait une totale liberté d’opinion mais pas une totale liberté d’expression, que la loi vous touche seulement si vous ouvrez la bouche. Je suis d’accord avec lui, sauf qu’il approuve cette situation et que, moi, je la déplore. Je prône "l’ouverture des bouches".

Impliquée dans la première règle, mais tellement importante qu’elle mérite d’être dite explicitement : si on a le droit de dire quelque chose de positif sur quelqu’un ou quelque sujet, on a également le droit de dire quelque chose de négatif. Autrement, il n’y a pas d’honnête débat.

Troisième règle : tout le monde a le droit d’avoir tort. Par cela, je veux dire que même s’il y a (évidemment) une obligation morale de chercher et dire la vérité, toute obligation légale est inadmissible, parce que, devant la vérité, nous, êtres faillibles, devrions rester humbles. Donc, nous devons accorder à toute personne le droit de critiquer, même vivement, quelqu’un pour son opinion mais ne jamais octroyer à personne le droit de punir quelqu’un pour son opinion.

C'est, me semble-t-il, ce que les quatre syndicats de journalistes essayent d’exprimer dans leurs feuilles électorales.

Je laisse aux lecteurs l’effort de vérifier s’ils respectent ces engagements.

Lawrence G. Proulx
Lawrence G. Proulx
Journaliste américain

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