Le maintien des foules et des groupes violents à distance des forces de l’ordre lors des manifestations est devenu, au cours de ces dernières années, le cœur de la doctrine en matière de maintien de l’ordre. Par ailleurs, l’emploi massif de moyens lacrymogènes aux fins de dispersion est venu compléter une stratégie qui, compte tenu des expériences passées, a banni, autant que possible, toute forme de contact physique entre forces de l’ordre et manifestants. Mais pour cela, il a fallu faire évoluer les techniques opérationnelles des policiers et des gendarmes, ainsi que les matériels qui étaient, jusque-là, mis à leur disposition.

Cependant, lors de la dernière décennie, les stratégies élaborées par les responsables de l’ordre public dans notre pays ont rapidement été confrontées aux nouvelles formes de contestation utilisées par les groupes les plus virulents (Black Blocs, ultra-droite ou ultra-gauche...). En effet, si la technique policière adoptée permettait de gérer de manière plutôt satisfaisante les manifestations de type classique, y compris lors du moment sensible de la dislocation, l’arrivée systématique de groupes de casseurs au sein des mouvements populaires n’a pas tardé à remettre en cause les modalités même des actions des forces de police.

À cet égard, les manifestations de 2016 contre la loi Travail avaient déjà posé les termes d’une problématique délicate à résoudre en matière de gestion de l’ordre public. Les actions extrêmement violentes menées par certains groupuscules réfugiés au sein des cortèges menés par les syndicats avaient mis à mal des procédures policières qui s’étaient rapidement révélées inadaptées au contexte. Déjà, le gouvernement Hollande avait pris l’initiative d’interdire l’emploi de certains moyens par les forces de l’ordre – comme les grenades de désencerclement, par exemple -, ce qui avait débouché sur de nombreuses dégradations et destructions, ainsi que sur de nombreux blessés parmi les policiers et les gendarmes.

À l’occasion des manifestations des gilets jaunes, les mêmes problèmes ont resurgi. Face à des manifestants inorganisés et sans service d’ordre interne. Confrontés à nouveau à des groupuscules violents très mobiles, et parfaitement équipés pour faire face aux forces de l’ordre. Mais dans l’obligation d’avoir à « traiter » en même temps des citoyens pacifiques, les forces de l’ordre se sont souvent trouvées dépassées par les événements.

Si ces situations atypiques ont pu recevoir des réponses adaptées dans la plupart des cas, notamment lorsqu’il s’agissait de professionnels du maintien de l’ordre, à l’instar des CRS ou des gendarmes mobiles, d’autres policiers, en grand nombre sur le terrain mais moins familiarisés avec ce type de mission, ont pu commettre des erreurs d’appréciation. Il en a été, notamment, ainsi avec l’utilisation de matériels, dont le désormais fameux « LBD 40 ». Cette arme de défense intermédiaire succède, actuellement, au Flash-Ball®. Plus puissante mais plus précise, elle fait partie de cet arsenal justement destiné à tenir les individus les plus violents à distance. Son utilisation répond à une doctrine d’emploi très stricte qui veut qu’elle ne soit pas utilisée à une distance de moins de quinze mètres. En évitant certaines parties du corps, et sachant qu’au-delà d’une quarantaine de mètres, sa précision devient aléatoire. De même, cette arme de défense non létale suppose un entraînement préalable de la part de son utilisateur, entraînement incontestablement insuffisant chez de nombreux policiers qui en ont pourtant été dotés lors de ces manifestations.

Toutefois, interdire cet armement, même si potentiellement dangereux, serait une grossière erreur qui ouvrirait la voie à des accidents plus graves encore. Peut-on imaginer, comme cela a été vu, la réaction de policiers ou de gendarmes livrés à la vindicte populaire sans autres moyens de se défendre que leurs armes de service ?
La solution aux dysfonctionnements qui ont pu être observés, mais qui, rappelons-le, ne relèvent pas de la seule responsabilité des policiers, est à rechercher dans une réforme en profondeur des techniques de maintien de l’ordre et un entraînement adapté de ceux qui en sont chargés. Quoi qu’il en soit, une manifestation qui dégénère restera toujours un endroit dangereux. Tout citoyen qui se maintient sur place dès lors que les forces de l’ordre ont pour mission d’intervenir doit savoir qu’il encourt des risques importants

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23 janvier 2019 à 9:22

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