C’est ce qu’on appelle un ballon d’essai, qui sert à tester la résistance potentielle de l’opinion. La question de l’abrogation du quotient familial a suscité une levée de boucliers face à laquelle le gouvernement n’est sans doute pas prêt à passer en force. Il se souvient des manifestations de 2013 contre la loi Taubira…

Retour en arrière : souvent effleuré, le sujet taraude les gouvernements depuis plusieurs années. Il s’agit de supprimer le quotient familial qui permet aux familles avec enfants de réduire leur imposition, à revenu égal, par rapport aux couples sans enfants. L’institution date de l’après-guerre et avait un double objectif : compenser la charge liée à l’éducation des enfants, considérée comme une richesse nationale, et stimuler la natalité. Les deux objectifs ont été atteints, en tout cas tant que le système a été appliqué loyalement. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Nos modernes politiciens se moquent bien de la natalité. Ils considèrent peut-être, à l’instar de Christophe Girard, que seuls les cathos et les Arabes font des gosses. Les premiers n’attendent rien du gouvernement. Les seconds sont rarement imposables. Le plafonnement du quotient familial a été revu à la baisse sous le quinquennat Hollande. Supprimer le système entraînerait sans doute une augmentation des rentrées fiscales, au prix d’un effort financier important pour les familles. Mais, surtout, sa suppression procède d’une confusion toute socialiste entre politique familiale et politique sociale.

Contrairement à la politique familiale, la politique sociale a pour objet la redistribution. Elle est fondamentalement compensatoire et cherche à réduire les inégalités. Elle se traduit par des allocations diverses, des aides, et procède d’une notion de solidarité. Elle n’est pas fondée sur l’utilité sociale des familles, mais sur la nécessité d’aider les plus modestes, quelle que soit leur situation familiale. De surcroît, en matière fiscale, elle est relativement inexistante puisque la moitié des foyers fiscaux ne payent pas l’impôt sur le revenu. Elle se traduit par des versements, non par des exonérations fiscales. Nous ne parlons donc pas de la même chose.

Mais pour les individualistes qui nous gouvernent, la notion même de famille qu’il faudrait protéger en soi relève de l’archaïsme absolu. Ils vivent dans un monde d’individus se voulant détachés de tout lien immatériel. Le mariage est, pour eux, une option contractuelle comme une autre. Les enfants se partagent en cas de séparation. Ils estiment scandaleux que des familles « riches » bénéficient d’un abattement fiscal au seul motif qu’elles ont des enfants à charge. Ces enfants qu’il ne faudrait plus faire, puisqu’ils polluent et formeront les cohortes des futurs chômeurs. Cette vision désespérante de la vie s’oppose en tout à la conception dynamique de la démographie selon laquelle la croissance de la population, dans les pays développés, a des effets vertueux.

L’opposition, pour une fois, s’est opposée. Le gouvernement a prudemment reculé, ne jugeant pas le fruit assez mûr. Passer en force aurait sans doute provoqué quelques nouvelles manifestations, d’autant plus nombreuses que les fameux cathos avec enfants se partagent entre ceux qui tirent le diable par la queue à cause du coût que représentent leur éducation et leurs études supérieures, et ceux pour qui le portefeuille compte autant, sinon plus, que les principes. De quoi faire descendre beaucoup de monde dans la rue. Ce n’est pas le moment de se mettre à dos ces gens-là…

Mais, soyons en certains, le gouvernement, ou le suivant, reviendra un jour à la charge. Et ce jour-là, il faudra lui rappeler que ce sont les familles qui ont fait ce pays. Humbles ou riches, aristos ou prolos. Toutes les familles françaises.

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23 mars 2018 à 13:28

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