"Ce gouvernement [est] plutôt bien foutu, avouons-le - Laura Flessel au ministère des Sports, ça a tout de même de la gueule [...]", s’exclamait ici même Nicolas Gauthier, à propos du gouvernement Macron. Ceux qui le lisent connaissent son goût pour un deuxième degré volontiers truculent, mais ils en seront peut-être cette fois pour leurs frais.

L'Obs du 11 mai soulignait, quant à lui, "l’exploit" de Macron, "accompli en moins d’un an", et que "personne n’avait osé envisager auparavant". Or, c’est moins "l’exploit" qui me turlupine que ce "en moins d’un an". Le chemin de la victoire, déblayé selon des procédés de marketing propres à la vente d'une lessive, constitue peut-être une nouveauté : cela n’est en rien rassurant. "L'exploit" en question ressemble plutôt à la petite pichenette qu’il suffit de donner à un bâtiment à la structure ravagée par des décennies de vermine pour l'effondrer. Il n’aura donc fallu "que" cela pour effectuer un "strike" présidentiel, dirions-nous plutôt ! Mais le plus beau est à venir : incarner un renouveau d’une telle ampleur, en y intégrant des hommes comme Bayrou, voilà qui tient résolument d’une forme de magie, celle du prestidigitateur.

Or, cet art n’est fait que de "trucs" en trompe-l’œil, au service d’une technique sans faille : le pickpocket use du même stratagème en détournant l’attention de sa proie. En politique, on agite à cet effet des chiffons rouges ou bruns sous le nez des moutons de Panurge dont on aura pris soin d’exciter préalablement aveuglement, terreurs et passions. Au premier tour, ce furent les costumes et autres emplois fictifs de l’adversaire le plus sérieux, François Fillon (un véritable vol de l’électorat, selon l’essayiste Malika Sorel). Une fois celui-ci au tapis, un royal boulevard anti-fasciste de second tour s’ouvrait au "petit technocrate arrogant" (dixit Henri Guaino). Si le Moyen Âge nous légua "les grandes peurs de l’an mil" (même si c’est une légende), rendons grâce à Mitterrand de nous avoir légué celles de "l’an deux mil", que Jospin démystifia par ailleurs dès 2007 : "Du temps du mitterrandisme, tout antifascisme n’était que du théâtre." Un système politique qui, tous les cinq ans désormais, et pour asseoir sa continuité, met dans la balance électorale un retour possible des chambres à gaz (quinzaine antinazie en deux tours) est soit en état de putréfaction mensongère avancée, soit en phase terminale psychiatrique : je penche pour la première hypothèse.

Il suffit d'entendre le mélange d’arrogance, d’orgueil, de cynisme et de suffisance qu'affichent certains politiques au moment de dévoiler leur faisandage trentenaire de l'électorat : ici Roland Dumas, pilier du mitterrandisme, au micro de RMC en 2011 :

"Écoutez, une femme qui représente l’extrême droite, et qui accepte de prendre dans son programme l’avortement, quand on connaît la résistance de l’extrême droite, l’influence de l’Église catholique sur ce sujet, on ne peut être que surpris quand même du pas qu’elle franchit !"

- Elle vous séduit ou elle fait peur, Marine Le Pen ?

- Elle me fait pas peur, qu’est-ce que vous voulez qu’elle nous fasse peur… Même le père ne faisait pas peur, la dernière fois, c’était une rigolade… la menace de Le Pen ! On a fait voter tous les socialistes comme des couillons, ils sont allés voter pour […] Chirac, enfin… c’est une rigolade, je ne voyais pas Le Pen à l’Élysée, et là, je ne vois pas pourquoi… […] je pense que ce sondage a été bien présenté de façon à faire peur : regardez-vous !" (s’adressant aux journalistes).

"Nous, on n’a pas peur, on pose des questions", rétorque l’un d’eux. "Non non non…, insiste Dumas, ces questions traduisent un état de peur latent qui se promène un peu partout ! Alors ! Voyons voyons ! Je n’ai pas peur moi… eh ben, ça va refaire la même chose, il faut se protéger de Marine Le Pen… pourquoi se protéger de Marine Le Pen… c’est une plaisanterie !" 

Macron n’a pas failli à cette dernière, en visitant le mémorial de la Shoah à la veille du second tour…

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21 mai 2017 à 10:07

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