Dimanche soir, en écoutant François Fillon appeler à voter pour celui qu’il appelait, la veille encore, Emmanuel Hollande, je n’ai pu m’empêcher d’avoir une pensée émue pour mes amis de Sens commun. Eux dont je respecte l’engagement sans le partager ni y croire un seul instant, eux qui ont dû se regarder, incrédules, en entendant leur champion. Quel gâchis !

Au commencement était un mouvement spontané qui a vu des centaines de milliers de gens dans la rue, pour contester un changement de civilisation, comme Christiane Taubira l’avait annoncé. Parmi eux, des jeunes qui, en masse, ont compris la nécessité de s’investir dans la réflexion et l’action politique, pour transformer en profondeur le système en place. Ils l’ont fait avec leur fougue, leurs maladresses, leurs contradictions parfois. Mais face aux hordes « antifas » utilisées depuis des décennies par les partis de gauche, ils ont opposé le silence, le calme et la détermination. Et, surtout, ils ont compris que la loi Taubira n’était qu’un des avatars d’une profonde déshumanisation sociale.

À sa création, Sens commun voulait porter ces idées neuves au cœur du débat politique, avec un manifeste intéressant, « La droite que nous voulons ». Mais, par une étrange idée, le mouvement a cru nécessaire d’intégrer l’UMP. Ce jour-là, sans le savoir, il a brisé la dynamique née au printemps 2013, en la rattachant à un parti majoritairement hostile à ses idées. Les journalistes ne s’y sont pas trompés, en évoquant l’émanation politique de la Manif pour tous au sein de LR.

Puis, contre toute attente, Sens commun a décidé de soutenir Fillon lors de la primaire, au lieu de Jean-Frédéric Poisson. C’est ainsi qu’on perd son âme pour gagner les élections. Bonne pioche ! Leur poulain élu triomphalement, Madeleine de Jessey et ses amis ont pu clamer que leurs idées seraient représentées au sein du futur gouvernement. Y croyaient-ils vraiment ? La campagne centriste de Fillon, ses accointances avec l’UDI et l’aile libérale de LR ne semblent pas les avoir dessillés. Pas plus que la place éminente réservée au très laïcard frère Baroin dans le dispositif de campagne.

Eux, au moins, sont restés fidèles. Question de loyauté, d’éducation et peut-être d’honneur. Fidèles jusqu’au bout, à travers les tempêtes médiatiques et sous les torrents de boue déversés sur leur candidat. Ils savaient bien, ces derniers mois, que l’ingratitude est la marque des puissants, et qu’ils n’avaient rien à attendre d’une élection de plus en plus hypothétique.

Au moins peut-on penser que Sens commun, en dépit de ses compromissions, a conservé l’essentiel de ses convictions. Et que la perspective d’un Macron à l’Élysée le faisait frémir : il représente tout ce contre quoi ses militants se battent depuis quatre ans. L’argent contre l’homme ; le relativisme contre les principes ; l’oligarchie contre la démocratie. Il a reçu le soutien de Pierre Bergé, d’Alain Minc, de Jacques Attali, de François Hollande, de la technocratie financière de Bruxelles et de Francfort.

En quelques mots, peu avant 21 heures dimanche, François Fillon a annoncé son soutien à Emmanuel Macron. Il s’est rallié, sans honte et sans pudeur, à celui contre lequel l’engagement de Sens commun à ses côtés était censé nous prémunir.

Sens commun n’en porte aucune responsabilité. La sienne est autre : celle d’avoir cru, et fait croire à des centaines de milliers d’électeurs, que leurs idées seraient portées par un François Fillon mieux que par un autre. C’est un magnifique gâchis, qui devrait nous prémunir à l’avenir contre de telles aventures sans issue.

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24 avril 2017 à 23:39

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