SNCF : les pépins de Pepy seront-ils digérés ?

La compagnie dirigée par Guillaume Pepy n’a pas été épargnée, en cette année 2017 qui s’achève : pannes informatiques, paralysant le trafic à la gare Montparnasse, remontrances du ministre des Transports, concurrence du covoiturage, des autobus, des compagnies aériennes low cost… Voici que vient s’ajouter à cette longue liste une mise en examen pour l’accident mortel survenu en novembre 2015, lors d’une séance d’essais. La SNCF pourrait, malgré tout, avoir encore un bel avenir si elle surmonte les obstacles qui entravent son développement.

Un obstacle financier, principalement. La dette atteint un montant de 40 milliards d’euros et l’on prévoit, en 2026, la bagatelle de 63 milliards. Il y a, pourtant, beaucoup à faire. En France, d’abord : moderniser les équipements informatiques, améliorer les lignes autres qu’à grande vitesse, prolonger les LGV existantes, notamment en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, sécuriser ou supprimer des passages à niveau… Et à l’étranger, avec le projet « Eurasie », par exemple, qui relierait l’Europe à la Chine.

Un obstacle social, aussi. L’alignement des régimes spéciaux, qu’Emmanuel Macron devrait mettre progressivement en œuvre avant 2019, conformément à ses engagements électoraux, ne se fera pas sans mal. Il ne s’agit pas de prendre un plaisir malsain à vouloir tout uniformiser, au nom d’une prétendue égalité – toute profession a ses avantages et ses inconvénients, tout régime spécial a son histoire. Mais il faut reconnaître que la SNCF n’est plus à l’époque de Zola et de La Bête humaine.

Depuis le 1er janvier 2017, comme l’avait prévu la réforme de 2010, l’âge du départ à la retraite est passé de 55 à 57 ans pour les personnels non roulants, et de 50 à 52 ans pour les conducteurs. Il va falloir faire preuve de conviction pour aller plus avant, en tenant compte des conditions de travail effectives de chacun. Les cheminots, au nom des avantages acquis, ne manqueront sans doute pas de réagir et de paralyser la France… accentuant davantage le déficit de la compagnie.

On est loin, aujourd’hui, de la critique d’Alfred de Vigny contre le chemin de fer, au milieu du XIXe siècle : "Leur voyage est sans grâces, / Puisqu'il est aussi prompt, sur ses lignes de fer, / Que la flèche lancée à travers les espaces / Qui va de l'arc au but en faisant siffler l'air." Que dirait-il, aujourd’hui, d’un train qui relie Bordeaux à Paris en deux heures ? Une merveille de technique ! Mais il ne faut pas oublier tous les voyageurs des trains de banlieue ou des TER qui subissent régulièrement des retards.

Tous ces défis doivent être relevés, en trouvant le juste équilibre entre les dépenses de prestige et les besoins quotidiens. Mais on sait que ce n’est pas Guillaume Pepy qui s’en chargera. Il a d’ores et déjà annoncé qu’il ne demanderait pas le renouvellement de son mandat, en 2020. Après le rail, le ciel : il lorgnerait vers Air France.

C’est le privilège des hommes de réseaux, eussent-ils commis des erreurs ou subi des pépins, de pouvoir poursuivre leur carrière, comme si de rien n’était. C’est peut-être aussi quelque chose qu’il faudrait changer.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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